Sources :
Margarida ROMERO et Thérèse LAFERRIÈRE du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) de l’Université Laval analysent les limites des approches techno-centrées.
[Un article repris du site québecois "Vitrine technologie éducation"vteeducation publiée par Margarida Romero. le 15 décembre 2015 sous une licence CC by sa nc 3.0}L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des espoirs infondés et donné lieu à certaines innovations technologiques sans fondement pédagogique. Si certains usages pédagogiques des TIC permettent un apprentissage amélioré par la technologie (Laferrière et al, 2014), d’autres placent la personne apprenante dans une situation de consommation passive ou guère interactive. Dans cet article, nous analysons les limites des approches techno-centrées dans le processus d’intégration des TIC et introduisons une démarche réflexive basée sur une approche qui vise l’amélioration des apprentissages. Cette approche peut être qualifiée de socioconstructiviste, participative et inclusive alors qu’elle accompagne les enseignantes dans leur processus d’intégration des TIC dans le contexte qui est le leur. La démarche réflexive proposée introduit cinq niveaux d’usages des technologies : la consommation passive, la consommation interactive, la création de contenu, la cocréation de contenu et, en dernier lieu, la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
Introduction
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des faux espoirs et des mythes autour de leur potentiel pour améliorer la motivation et les apprentissages des élèves (Amadieu & Tricot, 2014). L’intégration des TIC en éducation a également conduit à une dissension entre les « techno-enthousiastes », soit des personnes spontanément et hardiment favorables à l’intégration des technologies en éducation, et les « technophobes » qui s’y opposent pour des raisons pédagogiques, de manque de ressources ou d’aversion plus ou moins importante envers l’innovation (Selwin, 2004). Cette dissension est basée sur une vision techno-centrée qui attribue aux technologies des effets éducatifs sans prendre en considération l’ensemble des composantes de la situation d’apprentissage ni l’analyse de l’activité. Or, nous devons situer la notion d’usage pédagogique des TIC dans son contexte. Ainsi, l’analyse des effets des TIC sur le processus et les résultats d’apprentissage doit prendre en considération des facteurs multiples au niveau individuel (l’apprenante, l’enseignante), interpersonnel (apprenante-apprenante, apprenante-enseignante, groupe-classe-enseignante) et social (communauté éducative) des différentes composantes de la situation d’apprentissage. Avant d’introduire les cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC, nous pointons dans la prochaine section certaines limites d’une analyse centrée sur la technologie.
Ni les TIC (ni la craie, ni les crayons) ne sont des révolutions éducatives
Nous ne pouvons pas attribuer aux technologies numériques (TNI, tablettes…) ou analogiques (craie, crayons…) la capacité d’améliorer les apprentissages sans tenir compte de la situation d’apprentissage et de son contexte. Pour Jeremić et collaborateurs (2011) la situation d’apprentissage comprend (1) l’activité d’apprentissage ; (2) les ressources éducatives utilisées au cours de l’activité d’apprentissage ; (3) les acteurs impliquées (apprenantes, enseignantes, expertes) ; (4) le moment durant lequel l’activité se déroule et, en cas d’intégration des TIC, (5) les technologies intégrées. Dit autrement, les technologies sont l’une des composantes de la situation d’apprentissage et doivent être analysées en les liant aux autres composantes. L’analyse des éventuels avantages ou plus-values pédagogiques de l’intégration des TIC en éducation doit être faite en observant l’usage pédagogique des technologies (TNI, tablettes…) dans le cadre d’une situation d’apprentissage.
Il est donc loin d’être suffisant de considérer, de manière isolée, des indicateurs quantitatifs tels les ratios entre le nombre d’apprenantes et la quantité d’ordinateurs (child/computer ratio), ou bien le temps investi sur l’ordinateur par jour (computer time). Faire un lien entre ces indicateurs technologiques et les résultats d’apprentissage a donné lieu à des résultats parfois inconsistants au cours des dernières années. Ces inconsistances sont, entre autres, attribuables au manque de considération de l’ensemble de composantes de la situation d’apprentissage. Ainsi, alors que plusieurs études d’impact ont tendance à souligner un lien positif entre le nombre d’ordinateurs et l’apprentissage, la dernière étude de l’OCDE (2015),Students, Computers and Learning : Making The Connection attribue aux technologies des effets négatifs sur les apprentissages. Il faut comprendre que l’étude utilise des métriques centrées sur la quantité d’ordinateurs et le temps d’utilisation des ordinateurs, ce qui empêche de prendre en considération le type d’usage des technologies (consommation passive ou interactive, usages créatifs individuels ou collectifs) et d’autres composantes de la situation d’apprentissage. Cette dernière étude de l’OCDE observe que le nombre d’ordinateurs en classe est lié négativement aux résultats en mathématiques dans certains pays. Cependant, cette étude ne contrôle pas le type d’usages pédagogiques des TIC, mais le temps face à l’écran. En effet, dans certaines écoles les élèves sont confrontés à une grande consommation interactive d’ « exerciseurs mathématiques », quand d’autres établissements vont faire un usage d’environnements de géométrie dynamique sur des périodes réduites, mais permettant d’améliorer la construction de représentations chez les élèves. Le type d’usages des TIC, incluant le choix de logiciels et d’applications en fonction des intentions pédagogiques poursuivies par l’enseignante dans la situation d’apprentissage, s’avère plus important que le nombre d’ordinateurs ou le temps alloué à l’ordinateur. Il ne s’agit pas de se questionner sur la quantité de matériel et pendant combien de temps il en est fait usage, mais plutôt sur les types d’usages pédagogiques des TIC .
Nous identifions cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC. Les cinq niveaux se situent sur un continuum allant du simple au plus complexe et reflétant les processus sociocognitifs dans lequel peut être engagé l’apprenante : (1) la consommation passive, (2) la consommation interactive, (3) la création de contenu, (4) la cocréation de contenu et (5) la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
Les deux premiers niveaux d’usages pédagogiques des TIC sont de type « consommation ». L’apprenante est placée face à un environnement informatique d’apprentissage (ou autre artefact TIC) qui lui permet de cliquer sur un élément d’un ensemble, plus ou moins complexe, d’interactions prédéfinies, en suivant un « enseignement programmé ». Nous pensons ici aux exerciseurs, aux manuels ou aux didacticiels interactifs de nature conductiviste. Le troisième niveau laisse place à la créativité de l’apprenante dans la production de textes, d’images ou de vidéos en lien avec une situation d’apprentissage donnée (par exemple, un projet personnel, d’équipe ou de classe). Les deux derniers niveaux d’usages pédagogiques des TIC engagent l’apprenante dans une démarche de création de contenu impliquant les connaissances antérieures ainsi que la créativité de l’apprenante ou d’un groupe d’apprenantes (cocréation) lorsqu’il s’agit de comprendre et d’apporter une réponse plausible à un problème complexe ou, encore, la collaboration des apprenantes avec des acteurs de la communauté sociale sur des problématiques réelles (cocréation participative de connaissances orientée vers la résolution de problèmes).
Aux deux niveaux plus avancés, la création de contenu est considérée comme un processus de construction de connaissances nouvelles (Stahl, Cress, Law, & Ludvigsen, 2014). Dans le cas de la cocréation, le processus s’inscrit dans une démarche collective de partage d’ « expériences et de connaissances et la négociation de leur pertinence au sein du groupe par rapport à la question que les apprenants se posent ou le problème sur lequel ils se penchent. Ce processus peut conduire les participants à la production de contenus nouveaux par l’explicitation ou l’exposition à des connaissances et des conceptions des pairs » (Nizet, & Laferrière, 2005, p. 154). Cette production originale prend alors une forme, sous support numérique, de type textuel, audiovisuel ou multimédia. Dans le cas de la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes, l’équipe d’apprenants peut intégrer, dans sa démarche, des acteurs de la communauté (école, quartier…) dans un processus orienté vers la bonification d’une problématique qui interpelle cette même communauté (Romero et al, 2015).
Le tableau ci-dessous présente les cinq usages pédagogiques des TIC, leur description et un exemple.
Portrait de mRomero
Collaboration avec les technologies
Usages pédagogiques des TIC : de la consommation à la cocréation participative
Par Margarida Romero. Le 4 Décembre 2015
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Margarida ROMERO et Thérèse LAFERRIÈRE du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) de l’Université Laval analysent les limites des approches techno-centrées.
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des espoirs infondés et donné lieu à certaines innovations technologiques sans fondement pédagogique. Si certains usages pédagogiques des TIC permettent un apprentissage amélioré par la technologie (Laferrière et al, 2014), d’autres placent la personne apprenante dans une situation de consommation passive ou guère interactive. Dans cet article, nous analysons les limites des approches techno-centrées dans le processus d’intégration des TIC et introduisons une démarche réflexive basée sur une approche qui vise l’amélioration des apprentissages. Cette approche peut être qualifiée de socioconstructiviste, participative et inclusive alors qu’elle accompagne les enseignantes dans leur processus d’intégration des TIC dans le contexte qui est le leur. La démarche réflexive proposée introduit cinq niveaux d’usages des technologies : la consommation passive, la consommation interactive, la création de contenu, la cocréation de contenu et, en dernier lieu, la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
cinq niveaux d’usages des technologies (Romero, 2015)
Cinq niveaux d’usage des TIC (Romero, 2015)
Introduction
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des faux espoirs et des mythes autour de leur potentiel pour améliorer la motivation et les apprentissages des élèves (Amadieu & Tricot, 2014). L’intégration des TIC en éducation a également conduit à une dissension entre les « techno-enthousiastes », soit des personnes spontanément et hardiment favorables à l’intégration des technologies en éducation, et les « technophobes » qui s’y opposent pour des raisons pédagogiques, de manque de ressources ou d’aversion plus ou moins importante envers l’innovation (Selwin, 2004). Cette dissension est basée sur une vision techno-centrée qui attribue aux technologies des effets éducatifs sans prendre en considération l’ensemble des composantes de la situation d’apprentissage ni l’analyse de l’activité. Or, nous devons situer la notion d’usage pédagogique des TIC dans son contexte. Ainsi, l’analyse des effets des TIC sur le processus et les résultats d’apprentissage doit prendre en considération des facteurs multiples au niveau individuel (l’apprenante, l’enseignante), interpersonnel (apprenante-apprenante, apprenante-enseignante, groupe-classe-enseignante) et social (communauté éducative) des différentes composantes de la situation d’apprentissage. Avant d’introduire les cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC, nous pointons dans la prochaine section certaines limites d’une analyse centrée sur la technologie.
Ni les TIC (ni la craie, ni les crayons) ne sont des révolutions éducatives
Nous ne pouvons pas attribuer aux technologies numériques (TNI, tablettes…) ou analogiques (craie, crayons…) la capacité d’améliorer les apprentissages sans tenir compte de la situation d’apprentissage et de son contexte. Pour Jeremić et collaborateurs (2011) la situation d’apprentissage comprend (1) l’activité d’apprentissage ; (2) les ressources éducatives utilisées au cours de l’activité d’apprentissage ; (3) les acteurs impliquées (apprenantes, enseignantes, expertes) ; (4) le moment durant lequel l’activité se déroule et, en cas d’intégration des TIC, (5) les technologies intégrées. Dit autrement, les technologies sont l’une des composantes de la situation d’apprentissage et doivent être analysées en les liant aux autres composantes. L’analyse des éventuels avantages ou plus-values pédagogiques de l’intégration des TIC en éducation doit être faite en observant l’usage pédagogique des technologies (TNI, tablettes…) dans le cadre d’une situation d’apprentissage.
Il est donc loin d’être suffisant de considérer, de manière isolée, des indicateurs quantitatifs tels les ratios entre le nombre d’apprenantes et la quantité d’ordinateurs (child/computer ratio), ou bien le temps investi sur l’ordinateur par jour (computer time). Faire un lien entre ces indicateurs technologiques et les résultats d’apprentissage a donné lieu à des résultats parfois inconsistants au cours des dernières années. Ces inconsistances sont, entre autres, attribuables au manque de considération de l’ensemble de composantes de la situation d’apprentissage. Ainsi, alors que plusieurs études d’impact ont tendance à souligner un lien positif entre le nombre d’ordinateurs et l’apprentissage, la dernière étude de l’OCDE (2015), Students, Computers and Learning : Making The Connection attribue aux technologies des effets négatifs sur les apprentissages. Il faut comprendre que l’étude utilise des métriques centrées sur la quantité d’ordinateurs et le temps d’utilisation des ordinateurs, ce qui empêche de prendre en considération le type d’usage des technologies (consommation passive ou interactive, usages créatifs individuels ou collectifs) et d’autres composantes de la situation d’apprentissage. Cette dernière étude de l’OCDE observe que le nombre d’ordinateurs en classe est lié négativement aux résultats en mathématiques dans certains pays. Cependant, cette étude ne contrôle pas le type d’usages pédagogiques des TIC, mais le temps face à l’écran. En effet, dans certaines écoles les élèves sont confrontés à une grande consommation interactive d’ « exerciseurs mathématiques », quand d’autres établissements vont faire un usage d’environnements de géométrie dynamique sur des périodes réduites, mais permettant d’améliorer la construction de représentations chez les élèves. Le type d’usages des TIC, incluant le choix de logiciels et d’applications en fonction des intentions pédagogiques poursuivies par l’enseignante dans la situation d’apprentissage, s’avère plus important que le nombre d’ordinateurs ou le temps alloué à l’ordinateur. Il ne s’agit pas de se questionner sur la quantité de matériel et pendant combien de temps il en est fait usage, mais plutôt sur les types d’usages pédagogiques des TIC .
Nous identifions cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC. Les cinq niveaux se situent sur un continuum allant du simple au plus complexe et reflétant les processus sociocognitifs dans lequel peut être engagé l’apprenante : (1) la consommation passive, (2) la consommation interactive, (3) la création de contenu, (4) la cocréation de contenu et (5) la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
Les deux premiers niveaux d’usages pédagogiques des TIC sont de type « consommation ». L’apprenante est placée face à un environnement informatique d’apprentissage (ou autre artefact TIC) qui lui permet de cliquer sur un élément d’un ensemble, plus ou moins complexe, d’interactions prédéfinies, en suivant un « enseignement programmé ». Nous pensons ici aux exerciseurs, aux manuels ou aux didacticiels interactifs de nature conductiviste. Le troisième niveau laisse place à la créativité de l’apprenante dans la production de textes, d’images ou de vidéos en lien avec une situation d’apprentissage donnée (par exemple, un projet personnel, d’équipe ou de classe). Les deux derniers niveaux d’usages pédagogiques des TIC engagent l’apprenante dans une démarche de création de contenu impliquant les connaissances antérieures ainsi que la créativité de l’apprenante ou d’un groupe d’apprenantes (cocréation) lorsqu’il s’agit de comprendre et d’apporter une réponse plausible à un problème complexe ou, encore, la collaboration des apprenantes avec des acteurs de la communauté sociale sur des problématiques réelles (cocréation participative de connaissances orientée vers la résolution de problèmes).
Aux deux niveaux plus avancés, la création de contenu est considérée comme un processus de construction de connaissances nouvelles (Stahl, Cress, Law, & Ludvigsen, 2014). Dans le cas de la cocréation, le processus s’inscrit dans une démarche collective de partage d’ « expériences et de connaissances et la négociation de leur pertinence au sein du groupe par rapport à la question que les apprenants se posent ou le problème sur lequel ils se penchent. Ce processus peut conduire les participants à la production de contenus nouveaux par l’explicitation ou l’exposition à des connaissances et des conceptions des pairs » (Nizet, & Laferrière, 2005, p. 154). Cette production originale prend alors une forme, sous support numérique, de type textuel, audiovisuel ou multimédia. Dans le cas de la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes, l’équipe d’apprenants peut intégrer, dans sa démarche, des acteurs de la communauté (école, quartier…) dans un processus orienté vers la bonification d’une problématique qui interpelle cette même communauté (Romero et al, 2015).
Le tableau ci-dessous présente les cinq usages pédagogiques des TIC, leur description et un exemple.
Type d’usage des TIC
Description
Exemple d’usages
Consommation passive
Consommation passive (Romero, 2015)
L’apprenante accède à un contenu ou application technologique, écoute ou lit les contenus sans pouvoir réaliser des interactions.
L’enseignante utilise le TNI pour faire la projection d’une capsule vidéo en classe.
Lecture d’articles ou consultation de vidéos par l’apprenante.
Consommation interactive
Consommation interactive (Romero, 2015)
L’apprenante peut réaliser des interactions avec le contenu ou l’application. Les interactions peuvent présenter différents niveaux de complexité.
Devant ce type d’exerciseurs, certaines apprenantes développent une démarche d’essai et erreur superficielle, au cours de laquelle elles réalisent plusieurs tentatives non réfléchies jusqu’à ce qu’elles trouvent des bonnes réponses.
Lecture d’un livre interactif qui permet la consultation d’un glossaire ou des vidéos quand l’apprenante clique sur des mots.
Leçons interactives Moodle ou Captivate qui combinent du texte et des questions à choix multiples.
Plateformes d’apprentissage comme Netmaths (mathématiques) ou Duolingo (langues) qui comprennent des exercices interactifs permettant de s’exercer.
Création de contenu
Création de connaissances (Romero, 2015)
L’apprenante réalise une production, exécute sa partie lors d’une activité coopérative ou modélise des connaissances à l’aide d’outils numériques dans un processus créatif individuel.
Écriture d’un texte.
Création d’une carte conceptuelle.
Réalisation d’une image, d’un document hypertextuel ou audiovisuel.
Arrêt d’une question sur laquelle se pencher.
Fouille sur le Web ou dans des livres.
Collecte de données sur le terrain.
Programmation créative (ressources interactives, jeux, robotique éducative).
Co-création de contenu
Co-création des connaissances (Romero, 2015)
L’apprenante réalise une production en collaboration ou collabore avec des pairs dans la modélisation de connaissances à l’aide d’outils numériques dans un processus créatif collaboratif.
Coécriture d’un texte.
Cocréation d’une carte conceptuelle.
Coréalisation d’une image, d’un document hypertextuel ou audiovisuel.
Arrêt d’une question sur laquelle se pencher, en collaboration.
Fouille collaborative sur le Web ou dans des livres.
Collecte collaborative de données sur le terrain.
Programmation cocréative (ressources interactives, jeux, robotique éducative).
Cocréation participative de connaissances
Co-création participative (Romero, 2015)
La cocréation participative de connaissances est orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage. L’apprenante et ses pairs sont engagés dans une investigation collective qui peut impliquer des membres de leur communauté locale. Ils visent à comprendre un problème (par exemple, concernant l’eau, l’air ou les forêts et le développement durable (univers social) ; (la flottaison en sciences) ; l’interprétation d’œuvres en français.
Contributions sur un forum, en visioconférence ou sur tout autre outil de création collaborative de connaissances (hypertextuel, audiovisuel ou de programmation), visant la compréhension d’un problème, illustration, documentation, proposition de pistes de solution, synthèse de ce qu’on retient et de ce qui peut faire l’objet d’une certaine diffusion sur le Web.
Pour pouvoir développer certains usages, il pourrait être nécessaire de mobiliser plusieurs technologies différentes en les combinant ou en les adaptant à des usages non initialement prévus par les concepteurs technologiques (par exemple, utiliser un logiciel de gestion du temps pour faire une activité collaborative en classe). La prise de décision sur les technologies peut être réalisée par l’enseignante, qui peut engager les apprenantes et d’autres acteurs de la communauté (autres enseignantes ; parents…) dans le processus de décision afin de prendre en considération leurs besoins spécifiques ou recommandations.
Discussion
Les approches techno-centrées, basées sur des prémisses de plus-value des TIC présentent un certain risque éducatif et financier si elles situent l’apprenante dans une situation de consommation passive ou interactive. Bien que les innovations technologiques de consommation passive ou interactive puissent être motivantes dans une phase initiale, cette motivation liée à l’innovation technologique disparaît rapidement. Par exemple, l’usage d’applications de consommation passive et interactive sur les tablettes mène les apprenants à considérer qu’elles sont un gadget pour s’amuser ou écouter des vidéos (pédagogiques), mais les incite à utiliser des ordinateurs portables pour réaliser leurs activités d’apprentissage de création écrite (Murphy, 2014). Ainsi, même si les usages technologiques liés à la consommation passive ou interactive pourraient avoir un effet initial motivant, leur plus-value pédagogique est très limitée. Nous avons donc trouvé important d’attirer l’attention sur les usages pédagogiques des TIC permettant de développer la modélisation de connaissances au niveau individuel ou collaboratif pour que le potentiel des TIC comme outils cognitifs et métacognitifs. Dans un contexte de compressions budgétaires, il est encore plus important de veiller aux bons choix dans l’usage pédagogique des TIC et de s’assurer que les investissements technologiques et ceux faits en matière de formation puissent permettre le développement d’activités d’apprentissage intégrant des usages pédagogiques des TIC qui se situent aussi aux niveaux 3 à 5 : la création de contenu, la cocréation de contenu et la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension et la résolution de problèmes. Ces derniers niveaux engagent les apprenantes dans une démarche de création individuelle ou collaborative qui souscrit aux attentes sociales véhiculées, entres autres, par l’OCDE aujourd’hui à la recherche de nouvelles pédagogies pour la vie d’étude et de travail ainsi que pour la vie citoyenne au 21e siècle.
Introduction
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des faux espoirs et des mythes autour de leur potentiel pour améliorer la motivation et les apprentissages des élèves (Amadieu & Tricot, 2014). L’intégration des TIC en éducation a également conduit à une dissension entre les « techno-enthousiastes », soit des personnes spontanément et hardiment favorables à l’intégration des technologies en éducation, et les « technophobes » qui s’y opposent pour des raisons pédagogiques, de manque de ressources ou d’aversion plus ou moins importante envers l’innovation (Selwin, 2004). Cette dissension est basée sur une vision techno-centrée qui attribue aux technologies des effets éducatifs sans prendre en considération l’ensemble des composantes de la situation d’apprentissage ni l’analyse de l’activité. Or, nous devons situer la notion d’usage pédagogique des TIC dans son contexte. Ainsi, l’analyse des effets des TIC sur le processus et les résultats d’apprentissage doit prendre en considération des facteurs multiples au niveau individuel (l’apprenante, l’enseignante), interpersonnel (apprenante-apprenante, apprenante-enseignante, groupe-classe-enseignante) et social (communauté éducative) des différentes composantes de la situation d’apprentissage. Avant d’introduire les cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC, nous pointons dans la prochaine section certaines limites d’une analyse centrée sur la technologie.
Ni les TIC (ni la craie, ni les crayons) ne sont des révolutions éducatives
Nous ne pouvons pas attribuer aux technologies numériques (TNI, tablettes…) ou analogiques (craie, crayons…) la capacité d’améliorer les apprentissages sans tenir compte de la situation d’apprentissage et de son contexte. Pour Jeremić et collaborateurs (2011) la situation d’apprentissage comprend (1) l’activité d’apprentissage ; (2) les ressources éducatives utilisées au cours de l’activité d’apprentissage ; (3) les acteurs impliquées (apprenantes, enseignantes, expertes) ; (4) le moment durant lequel l’activité se déroule et, en cas d’intégration des TIC, (5) les technologies intégrées. Dit autrement, les technologies sont l’une des composantes de la situation d’apprentissage et doivent être analysées en les liant aux autres composantes. L’analyse des éventuels avantages ou plus-values pédagogiques de l’intégration des TIC en éducation doit être faite en observant l’usage pédagogique des technologies (TNI, tablettes…) dans le cadre d’une situation d’apprentissage.
Il est donc loin d’être suffisant de considérer, de manière isolée, des indicateurs quantitatifs tels les ratios entre le nombre d’apprenantes et la quantité d’ordinateurs (child/computer ratio), ou bien le temps investi sur l’ordinateur par jour (computer time). Faire un lien entre ces indicateurs technologiques et les résultats d’apprentissage a donné lieu à des résultats parfois inconsistants au cours des dernières années. Ces inconsistances sont, entre autres, attribuables au manque de considération de l’ensemble de composantes de la situation d’apprentissage. Ainsi, alors que plusieurs études d’impact ont tendance à souligner un lien positif entre le nombre d’ordinateurs et l’apprentissage, la dernière étude de l’OCDE (2015),Students, Computers and Learning : Making The Connection attribue aux technologies des effets négatifs sur les apprentissages. Il faut comprendre que l’étude utilise des métriques centrées sur la quantité d’ordinateurs et le temps d’utilisation des ordinateurs, ce qui empêche de prendre en considération le type d’usage des technologies (consommation passive ou interactive, usages créatifs individuels ou collectifs) et d’autres composantes de la situation d’apprentissage. Cette dernière étude de l’OCDE observe que le nombre d’ordinateurs en classe est lié négativement aux résultats en mathématiques dans certains pays. Cependant, cette étude ne contrôle pas le type d’usages pédagogiques des TIC, mais le temps face à l’écran. En effet, dans certaines écoles les élèves sont confrontés à une grande consommation interactive d’ « exerciseurs mathématiques », quand d’autres établissements vont faire un usage d’environnements de géométrie dynamique sur des périodes réduites, mais permettant d’améliorer la construction de représentations chez les élèves. Le type d’usages des TIC, incluant le choix de logiciels et d’applications en fonction des intentions pédagogiques poursuivies par l’enseignante dans la situation d’apprentissage, s’avère plus important que le nombre d’ordinateurs ou le temps alloué à l’ordinateur. Il ne s’agit pas de se questionner sur la quantité de matériel et pendant combien de temps il en est fait usage, mais plutôt sur les types d’usages pédagogiques des TIC .
Nous identifions cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC. Les cinq niveaux se situent sur un continuum allant du simple au plus complexe et reflétant les processus sociocognitifs dans lequel peut être engagé l’apprenante : (1) la consommation passive, (2) la consommation interactive, (3) la création de contenu, (4) la cocréation de contenu et (5) la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
Les deux premiers niveaux d’usages pédagogiques des TIC sont de type « consommation ». L’apprenante est placée face à un environnement informatique d’apprentissage (ou autre artefact TIC) qui lui permet de cliquer sur un élément d’un ensemble, plus ou moins complexe, d’interactions prédéfinies, en suivant un « enseignement programmé ». Nous pensons ici aux exerciseurs, aux manuels ou aux didacticiels interactifs de nature conductiviste. Le troisième niveau laisse place à la créativité de l’apprenante dans la production de textes, d’images ou de vidéos en lien avec une situation d’apprentissage donnée (par exemple, un projet personnel, d’équipe ou de classe). Les deux derniers niveaux d’usages pédagogiques des TIC engagent l’apprenante dans une démarche de création de contenu impliquant les connaissances antérieures ainsi que la créativité de l’apprenante ou d’un groupe d’apprenantes (cocréation) lorsqu’il s’agit de comprendre et d’apporter une réponse plausible à un problème complexe ou, encore, la collaboration des apprenantes avec des acteurs de la communauté sociale sur des problématiques réelles (cocréation participative de connaissances orientée vers la résolution de problèmes).
Aux deux niveaux plus avancés, la création de contenu est considérée comme un processus de construction de connaissances nouvelles (Stahl, Cress, Law, & Ludvigsen, 2014). Dans le cas de la cocréation, le processus s’inscrit dans une démarche collective de partage d’ « expériences et de connaissances et la négociation de leur pertinence au sein du groupe par rapport à la question que les apprenants se posent ou le problème sur lequel ils se penchent. Ce processus peut conduire les participants à la production de contenus nouveaux par l’explicitation ou l’exposition à des connaissances et des conceptions des pairs » (Nizet, & Laferrière, 2005, p. 154). Cette production originale prend alors une forme, sous support numérique, de type textuel, audiovisuel ou multimédia. Dans le cas de la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes, l’équipe d’apprenants peut intégrer, dans sa démarche, des acteurs de la communauté (école, quartier…) dans un processus orienté vers la bonification d’une problématique qui interpelle cette même communauté (Romero et al, 2015).
Le tableau ci-dessous présente les cinq usages pédagogiques des TIC, leur description et un exemple.
Portrait de mRomero
Collaboration avec les technologies
Usages pédagogiques des TIC : de la consommation à la cocréation participative
Par Margarida Romero. Le 4 Décembre 2015
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Margarida ROMERO et Thérèse LAFERRIÈRE du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) de l’Université Laval analysent les limites des approches techno-centrées.
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des espoirs infondés et donné lieu à certaines innovations technologiques sans fondement pédagogique. Si certains usages pédagogiques des TIC permettent un apprentissage amélioré par la technologie (Laferrière et al, 2014), d’autres placent la personne apprenante dans une situation de consommation passive ou guère interactive. Dans cet article, nous analysons les limites des approches techno-centrées dans le processus d’intégration des TIC et introduisons une démarche réflexive basée sur une approche qui vise l’amélioration des apprentissages. Cette approche peut être qualifiée de socioconstructiviste, participative et inclusive alors qu’elle accompagne les enseignantes dans leur processus d’intégration des TIC dans le contexte qui est le leur. La démarche réflexive proposée introduit cinq niveaux d’usages des technologies : la consommation passive, la consommation interactive, la création de contenu, la cocréation de contenu et, en dernier lieu, la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
cinq niveaux d’usages des technologies (Romero, 2015)
Cinq niveaux d’usage des TIC (Romero, 2015)
Introduction
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des faux espoirs et des mythes autour de leur potentiel pour améliorer la motivation et les apprentissages des élèves (Amadieu & Tricot, 2014). L’intégration des TIC en éducation a également conduit à une dissension entre les « techno-enthousiastes », soit des personnes spontanément et hardiment favorables à l’intégration des technologies en éducation, et les « technophobes » qui s’y opposent pour des raisons pédagogiques, de manque de ressources ou d’aversion plus ou moins importante envers l’innovation (Selwin, 2004). Cette dissension est basée sur une vision techno-centrée qui attribue aux technologies des effets éducatifs sans prendre en considération l’ensemble des composantes de la situation d’apprentissage ni l’analyse de l’activité. Or, nous devons situer la notion d’usage pédagogique des TIC dans son contexte. Ainsi, l’analyse des effets des TIC sur le processus et les résultats d’apprentissage doit prendre en considération des facteurs multiples au niveau individuel (l’apprenante, l’enseignante), interpersonnel (apprenante-apprenante, apprenante-enseignante, groupe-classe-enseignante) et social (communauté éducative) des différentes composantes de la situation d’apprentissage. Avant d’introduire les cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC, nous pointons dans la prochaine section certaines limites d’une analyse centrée sur la technologie.
Ni les TIC (ni la craie, ni les crayons) ne sont des révolutions éducatives
Nous ne pouvons pas attribuer aux technologies numériques (TNI, tablettes…) ou analogiques (craie, crayons…) la capacité d’améliorer les apprentissages sans tenir compte de la situation d’apprentissage et de son contexte. Pour Jeremić et collaborateurs (2011) la situation d’apprentissage comprend (1) l’activité d’apprentissage ; (2) les ressources éducatives utilisées au cours de l’activité d’apprentissage ; (3) les acteurs impliquées (apprenantes, enseignantes, expertes) ; (4) le moment durant lequel l’activité se déroule et, en cas d’intégration des TIC, (5) les technologies intégrées. Dit autrement, les technologies sont l’une des composantes de la situation d’apprentissage et doivent être analysées en les liant aux autres composantes. L’analyse des éventuels avantages ou plus-values pédagogiques de l’intégration des TIC en éducation doit être faite en observant l’usage pédagogique des technologies (TNI, tablettes…) dans le cadre d’une situation d’apprentissage.
Il est donc loin d’être suffisant de considérer, de manière isolée, des indicateurs quantitatifs tels les ratios entre le nombre d’apprenantes et la quantité d’ordinateurs (child/computer ratio), ou bien le temps investi sur l’ordinateur par jour (computer time). Faire un lien entre ces indicateurs technologiques et les résultats d’apprentissage a donné lieu à des résultats parfois inconsistants au cours des dernières années. Ces inconsistances sont, entre autres, attribuables au manque de considération de l’ensemble de composantes de la situation d’apprentissage. Ainsi, alors que plusieurs études d’impact ont tendance à souligner un lien positif entre le nombre d’ordinateurs et l’apprentissage, la dernière étude de l’OCDE (2015), Students, Computers and Learning : Making The Connection attribue aux technologies des effets négatifs sur les apprentissages. Il faut comprendre que l’étude utilise des métriques centrées sur la quantité d’ordinateurs et le temps d’utilisation des ordinateurs, ce qui empêche de prendre en considération le type d’usage des technologies (consommation passive ou interactive, usages créatifs individuels ou collectifs) et d’autres composantes de la situation d’apprentissage. Cette dernière étude de l’OCDE observe que le nombre d’ordinateurs en classe est lié négativement aux résultats en mathématiques dans certains pays. Cependant, cette étude ne contrôle pas le type d’usages pédagogiques des TIC, mais le temps face à l’écran. En effet, dans certaines écoles les élèves sont confrontés à une grande consommation interactive d’ « exerciseurs mathématiques », quand d’autres établissements vont faire un usage d’environnements de géométrie dynamique sur des périodes réduites, mais permettant d’améliorer la construction de représentations chez les élèves. Le type d’usages des TIC, incluant le choix de logiciels et d’applications en fonction des intentions pédagogiques poursuivies par l’enseignante dans la situation d’apprentissage, s’avère plus important que le nombre d’ordinateurs ou le temps alloué à l’ordinateur. Il ne s’agit pas de se questionner sur la quantité de matériel et pendant combien de temps il en est fait usage, mais plutôt sur les types d’usages pédagogiques des TIC .
Nous identifions cinq niveaux d’usages pédagogiques des TIC. Les cinq niveaux se situent sur un continuum allant du simple au plus complexe et reflétant les processus sociocognitifs dans lequel peut être engagé l’apprenante : (1) la consommation passive, (2) la consommation interactive, (3) la création de contenu, (4) la cocréation de contenu et (5) la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage.
Les deux premiers niveaux d’usages pédagogiques des TIC sont de type « consommation ». L’apprenante est placée face à un environnement informatique d’apprentissage (ou autre artefact TIC) qui lui permet de cliquer sur un élément d’un ensemble, plus ou moins complexe, d’interactions prédéfinies, en suivant un « enseignement programmé ». Nous pensons ici aux exerciseurs, aux manuels ou aux didacticiels interactifs de nature conductiviste. Le troisième niveau laisse place à la créativité de l’apprenante dans la production de textes, d’images ou de vidéos en lien avec une situation d’apprentissage donnée (par exemple, un projet personnel, d’équipe ou de classe). Les deux derniers niveaux d’usages pédagogiques des TIC engagent l’apprenante dans une démarche de création de contenu impliquant les connaissances antérieures ainsi que la créativité de l’apprenante ou d’un groupe d’apprenantes (cocréation) lorsqu’il s’agit de comprendre et d’apporter une réponse plausible à un problème complexe ou, encore, la collaboration des apprenantes avec des acteurs de la communauté sociale sur des problématiques réelles (cocréation participative de connaissances orientée vers la résolution de problèmes).
Aux deux niveaux plus avancés, la création de contenu est considérée comme un processus de construction de connaissances nouvelles (Stahl, Cress, Law, & Ludvigsen, 2014). Dans le cas de la cocréation, le processus s’inscrit dans une démarche collective de partage d’ « expériences et de connaissances et la négociation de leur pertinence au sein du groupe par rapport à la question que les apprenants se posent ou le problème sur lequel ils se penchent. Ce processus peut conduire les participants à la production de contenus nouveaux par l’explicitation ou l’exposition à des connaissances et des conceptions des pairs » (Nizet, & Laferrière, 2005, p. 154). Cette production originale prend alors une forme, sous support numérique, de type textuel, audiovisuel ou multimédia. Dans le cas de la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes, l’équipe d’apprenants peut intégrer, dans sa démarche, des acteurs de la communauté (école, quartier…) dans un processus orienté vers la bonification d’une problématique qui interpelle cette même communauté (Romero et al, 2015).
Le tableau ci-dessous présente les cinq usages pédagogiques des TIC, leur description et un exemple.
Type d’usage des TIC
Description
Exemple d’usages
Consommation passive
Consommation passive (Romero, 2015)
L’apprenante accède à un contenu ou application technologique, écoute ou lit les contenus sans pouvoir réaliser des interactions.
L’enseignante utilise le TNI pour faire la projection d’une capsule vidéo en classe.
Lecture d’articles ou consultation de vidéos par l’apprenante.
Consommation interactive
Consommation interactive (Romero, 2015)
L’apprenante peut réaliser des interactions avec le contenu ou l’application. Les interactions peuvent présenter différents niveaux de complexité.
Devant ce type d’exerciseurs, certaines apprenantes développent une démarche d’essai et erreur superficielle, au cours de laquelle elles réalisent plusieurs tentatives non réfléchies jusqu’à ce qu’elles trouvent des bonnes réponses.
Lecture d’un livre interactif qui permet la consultation d’un glossaire ou des vidéos quand l’apprenante clique sur des mots.
Leçons interactives Moodle ou Captivate qui combinent du texte et des questions à choix multiples.
Plateformes d’apprentissage comme Netmaths (mathématiques) ou Duolingo (langues) qui comprennent des exercices interactifs permettant de s’exercer.
Création de contenu
Création de connaissances (Romero, 2015)
L’apprenante réalise une production, exécute sa partie lors d’une activité coopérative ou modélise des connaissances à l’aide d’outils numériques dans un processus créatif individuel.
Écriture d’un texte.
Création d’une carte conceptuelle.
Réalisation d’une image, d’un document hypertextuel ou audiovisuel.
Arrêt d’une question sur laquelle se pencher.
Fouille sur le Web ou dans des livres.
Collecte de données sur le terrain.
Programmation créative (ressources interactives, jeux, robotique éducative).
Co-création de contenu
Co-création des connaissances (Romero, 2015)
L’apprenante réalise une production en collaboration ou collabore avec des pairs dans la modélisation de connaissances à l’aide d’outils numériques dans un processus créatif collaboratif.
Coécriture d’un texte.
Cocréation d’une carte conceptuelle.
Coréalisation d’une image, d’un document hypertextuel ou audiovisuel.
Arrêt d’une question sur laquelle se pencher, en collaboration.
Fouille collaborative sur le Web ou dans des livres.
Collecte collaborative de données sur le terrain.
Programmation cocréative (ressources interactives, jeux, robotique éducative).
Cocréation participative de connaissances
Co-création participative (Romero, 2015)
La cocréation participative de connaissances est orientée vers la compréhension ou la résolution de problèmes partagés par la classe conçue comme une communauté d’apprentissage. L’apprenante et ses pairs sont engagés dans une investigation collective qui peut impliquer des membres de leur communauté locale. Ils visent à comprendre un problème (par exemple, concernant l’eau, l’air ou les forêts et le développement durable (univers social) ; (la flottaison en sciences) ; l’interprétation d’œuvres en français.
Contributions sur un forum, en visioconférence ou sur tout autre outil de création collaborative de connaissances (hypertextuel, audiovisuel ou de programmation), visant la compréhension d’un problème, illustration, documentation, proposition de pistes de solution, synthèse de ce qu’on retient et de ce qui peut faire l’objet d’une certaine diffusion sur le Web.
Pour pouvoir développer certains usages, il pourrait être nécessaire de mobiliser plusieurs technologies différentes en les combinant ou en les adaptant à des usages non initialement prévus par les concepteurs technologiques (par exemple, utiliser un logiciel de gestion du temps pour faire une activité collaborative en classe). La prise de décision sur les technologies peut être réalisée par l’enseignante, qui peut engager les apprenantes et d’autres acteurs de la communauté (autres enseignantes ; parents…) dans le processus de décision afin de prendre en considération leurs besoins spécifiques ou recommandations.
Discussion
Les approches techno-centrées, basées sur des prémisses de plus-value des TIC présentent un certain risque éducatif et financier si elles situent l’apprenante dans une situation de consommation passive ou interactive. Bien que les innovations technologiques de consommation passive ou interactive puissent être motivantes dans une phase initiale, cette motivation liée à l’innovation technologique disparaît rapidement. Par exemple, l’usage d’applications de consommation passive et interactive sur les tablettes mène les apprenants à considérer qu’elles sont un gadget pour s’amuser ou écouter des vidéos (pédagogiques), mais les incite à utiliser des ordinateurs portables pour réaliser leurs activités d’apprentissage de création écrite (Murphy, 2014). Ainsi, même si les usages technologiques liés à la consommation passive ou interactive pourraient avoir un effet initial motivant, leur plus-value pédagogique est très limitée. Nous avons donc trouvé important d’attirer l’attention sur les usages pédagogiques des TIC permettant de développer la modélisation de connaissances au niveau individuel ou collaboratif pour que le potentiel des TIC comme outils cognitifs et métacognitifs. Dans un contexte de compressions budgétaires, il est encore plus important de veiller aux bons choix dans l’usage pédagogique des TIC et de s’assurer que les investissements technologiques et ceux faits en matière de formation puissent permettre le développement d’activités d’apprentissage intégrant des usages pédagogiques des TIC qui se situent aussi aux niveaux 3 à 5 : la création de contenu, la cocréation de contenu et la cocréation participative de connaissances orientée vers la compréhension et la résolution de problèmes. Ces derniers niveaux engagent les apprenantes dans une démarche de création individuelle ou collaborative qui souscrit aux attentes sociales véhiculées, entres autres, par l’OCDE aujourd’hui à la recherche de nouvelles pédagogies pour la vie d’étude et de travail ainsi que pour la vie citoyenne au 21e siècle.
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