mercredi 27 janvier 2016

L'écriture manuscrite et le dessin renouvellent prise de notes et présentations

Sources : Frédéric DURIEZ

Créé le mercredi 13 janvier 2016  |  Mise à jour le lundi 25 janvier 2016
L'écriture manuscrite et le dessin renouvellent prise de notes et présentations
Les textes longs, structurés et séquentiels sont valorisés par le monde académique, parfois aux dépens d'une vision plus globale. L'imagination, la pensée visuelle et la subjectivité ont peu de place dans cet univers.
Pour prendre le contrepied de ces rédactions, mais aussi des présentations séquentielles de type powerpoint, des auteurs ont proposé d'autres techniques pour prendre en notes et élaborer des présentations. Ces approches s'appuient sur l'écriture manuscrite et le dessin.
La prise  de notes visuelle n'est pas une découverte récente. Les voyageurs, les scientifiques et les inventeurs ont utilisé spontanément cette méthode. Les carnets de Léonard mélangent déjà des croquis, des schémas, des dessins d'observation et des textes.
Plus près de nous, Le Macroscope de Joël de Rosnay présente dès 1979 de nombreux schémas, avec des flèches, des boucles de rétroaction, des symboles et des pictogrammes, et un lettrage manuel qui donne à comprendre la hiérarchie des informations.
La version anglaise en ligne montre comment textes et visuels se renforcent.

Sur une serviette en papier...

En 1974, un économiste, Laffer, s'est fait connaître par un schéma sur une serviette de table dans un restaurant. La courbe de Laffer sera un des fondamentaux de la doctrine économique de l'époque Reagan. Selon les convictions de chacun, on retient dès lors qu'un schéma peut beaucoup éclairer, ou au contraire gommer les nuances, et conduire à de mauvaises décisions !
Changer le monde sur un coin de table, en allant à l'essentiel est une idée qui ne peut que séduire. Dan Roam a défendu cette approche à travers quelques ouvrages... qui tiendraient sur trois kilos de serviettes en papier. Les titres sont explicites : Convaincre en deux coups de crayonBLA, BLA, BLA, ne laissez plus les mots desservir vos idées,... Dan Roam nous propose en toute modestie (!) de découvrir et d'expérimenter une nouvelle façon de penser, grâce à ses ouvrages ou à la Napkin academy.

Une présentation "VIVID"

Pour Dan Roam, les présentations et les prises de notes doivent à la fois mobiliser l'expression visuelle et l'écriture. L'acronyme VIVID signifie "Visual and Verbal interconnected". Une idée, pour être compréhensible, doit à la fois pouvoir être exprimée à travers des mots et présentée visuellement. Notre formation a valorisé l'écrit et la pensée linéaire. Dan Roam nous propose de rétablir un équilibre.

Une grammaire, et un vocabulaire

Dan Roam établit une correspondance entre la grammaire linguistique, et sa "grammaire" visuelle qui permet de répondre aux questions "quoi, où, combien, comment, quand, pourquoi...". Pour chacune de ces questions, des représentations visuelles sont proposées à travers ses ouvrages, mais rien n'interdit d'en inventer d'autres. Le "quand" peut ainsi être présenté par une ligne, un planning, un diagramme Gantt, des flèches, les étapes successives d'une action, etc.

Une série de curseurs, pour adapter son travail

Pour adapter notre présentation, Dan Roam nous invite à utiliser une série de curseurs sur différentes dimensions. Comme toujours, il nous donne un acronyme : SQVID : simplicité, qualitatif, vision, individuel et delta (évolution, changement). Ces termes appellent immédiatement leurs opposés : élaboré, quantitatif, exécution, comparaison et statique.

Les principes de Dan Roam s'appuient sur des acronymes, comme celui qui définit les qualités d'une idée VIVID. 
  • F : les idées VIVIDES ont une Forme : Une idée qui s'exprime par une forme simple est plus efficace ;
  • O : les idées VIVIDES incluent les Opposés, elles envisagent les contraires, ou d'autres scénarios. 
  • R : les idées VIVIDES sont Reconnaissables - Il faut rendre les nouvelles idées familières avec des métaphores et des références à ce qui est connu.
  • E : les idées VIVIDES Évoluent - Elles doivent pouvoir être reprises, modifiées, améliorées par d'autres ;
  • S : les idées VIVIDES ne montrent que la Substance - Elles se concentrent sur l'essentiel ;
  • T : les idées VIVIDES Touchent leur cible 
En guise d'illustration, Dan Roam nous démontre que les grands succès en management de ces dernières années respectent ces critères. L'illustration ci-dessous présente quelques images qui ont influencé les entreprises ces dernières années.
forest et les best sellers

Les sketchnotes, prise de note libre et visuelle

Le mot "sketchnote" est une trouvaille de Mike Rohde, l'auteur d'un ouvrage de présentation de la méthode, et de deux livres d'exercices. Les règles du sketchnote sont moins codées que celles que nous venons de voir, elles tiennent en quelques préceptes.
  • utiliser l'espace de la page pour une présentation non linéaire ;
  • relier les concepts et les idées par des flèches ;
  • hiérarchiser les idées par les polices et les tailles de caractères ; par les formes de flèches, etc ;
  • mettre en scène un peu de sa personnalité et de sa subjectivité.
Mike Rohde nous explique que la qualité graphique importe peu. Certes, il ne s'agit pas de produire des dessins élaborés, et la vitesse d'exécution est essentielle. Mais  l'équilibre des pleins et des vides, les rythmes, le lettrage, la sobriété et l'harmonie des couleurs, la fluidité du trait sont essentiels, s'il ne s'agit pas simplement d'une prise de note personnelle.Il suffit de regarder les travaux de Eva Lotta Lamm ou de Catharine Mi-Sook pour se convaincre qu'il est aussi question de style et d'esthétique.
Des virtuoses font parfois l'exercice en direct, lors de conférences ou de présentations. On parle alors de "facilitation graphique". Les comptes twitter de Sketchapensieri, de SketchPost ou de Nicolas Caruso vous donneront un aperçu de ces animations.
Les participants repartent avec une photo des sketchnotes... Une alternative ou un complément au fichier powerpoint sur la clé usb !

Une communauté très active

 Pour vous familiariser avec la technique du sketchnote, vous pouvez visiter les comptes twitter de Mauro ToselliMike RohdeMarc BourguignonChris Spalton... Les personnes d'horizons souvent éloignés qui partagent cette discipline échangent beaucoup, et forment une communauté assez active. 
Ils se retrouvent autour du blog sketchnotearmy qui présente des designers confirmés comme des débutants dans la discipline. Sur twitter, le hashtag #sketchnote amène aussi son lot de découvertes.

Tiens, voilà les neurologues !

Les personnes qui pratiquent le "sketchnoting" insistent sur les bénéfices de la méthode. Cette prise de notes oblige à une grande attention, elle sollicite des mécanismes complexes, reliant l'audition, le visuel, et la réorganisation des idées lues ou entendues. 
Sur ce point, ils retrouvent les conclusions de certains auteurs, pour qui la prise de notes manuscrite serait beaucoup plus efficace que la frappe sur clavier. Notre cerveau réorganise, sélectionne, et s'approprie ce que nous percevons. Le sketchnoting améliorerait ainsi la compréhension et la mémorisation.
Qu'en est-il cependant de leur possibilité de communication ? Il apparaît que les sketchnotes sont rarement autonomes. Si vous n'avez pas assisté à la conférence ou si vous n'avez pas lu l'article auquel ils font références, ils vous seront peu utiles, pour la plupart d'entre eux. En revanche, lorsqu'ils sont réalisés avec talent, comme savent le faire les auteurs cités dans cet article, ils aident à clarifier les propos et à garder en mémoire les éléments essentiels.

Après la calligraphie, voici le "lettrage"

Inspirée de la calligraphie, mais aussi des enseignes et des publicités, de la bande dessinée, voire du graffiti, le lettrage est aussi un retour au subjectif et aux techniques traditionnelles. Il se démarque de la calligraphie par sa grande liberté. Les spécialistes s'appuient sur une solide culture de typographie, mais s'octroient aussi une grande liberté d'exécution. 
Des aphorismes, des citations ou des poèmes sont ainsi écrits à la main, avec des craies, des pinceaux, des marqueurs ou des plumes... Ce travail quasi artisanal redonne une importance aux lettres et aux mots, que l'ordinateur avait rendus impersonnels. 
Mais ce n'est pas toujours si simple. Beaucoup vectorisent leur production, pour en lisser les contours et leur donner un aspect plus professionnel. Et comme les logiciels de dessins imitent les maladresses et les imprécisions des outils traditionnels, on peine à s'y retrouver. 
Beaucoup de passerelles existent entre ces approches. La prise de notes, la présentation des idées ne sont plus automatisées. Une part de subjectivité est possible. Mais surtout , elles nécessitent une mobilisation de plusieurs formes d'intelligences, spatiale ou linéaire, verbale ou visuelle. 
Enfin, les auteurs y consacrent du temps et parfois beaucoup de talent. Ils valorisent les idées qu'ils présentent, et démontrent que la prise de notes peut être un véritable plaisir.
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources
bibliographie
Dan ROAM Convaincre en deux coups de crayon ESF édition
Mike ROHDE The Sketchnote Handbook: the illustrated guide to visual note taking  –  Pearson - 2012
Cristina VANKO Hand-Lettering for everyone - Perigee - 2015
Mike ROHDE - chaine Youtube - consultée le 23 janvier 2016

Héloïse LESSIER sur Up-Inspirer la facilitation graphique : des dessins à dessein - consulté le 20 janvier 2016

Dan ROAM - blog consulté le 23 janvier 2016

Creativite.net - Revue du livre Bla, bla bla de Dan Roam - consulté le 23 janvier 2016 

Cyntia MAY - Magazine Pour la Science : "Faut-il prendre des notes à la main ou sur ordinateur" - février 2015

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