J’ai découvert sur le blog de David Cordina un concept intéressant. L’apprentissage vicariant (Du latin vicarius qui veut dire « remplaçant ».).
C’est selon Albert BANDURA (inventeur du concept) :
L’apprentissage vicariant pourrait correspondre, dans le contexte scolaire, à ce que l’enfant peut apprendre en marge du discours du maître proprement dit : en regardant faire et en écoutant ceux qui savent faire ou encore, par extension, en analysant la production de ceux qui savent faire.
On trouve une distinction plus claire dans cet article de wikipédia :
Il faut distinguer l’apprentissage social par référence au modèle avec l’idée « je suis capable de… tout autant que lui où elle » avec l’apprentissage par observation : l’apprentissage vicariant.En effet, dans l’apprentissage vicariant il s’agit à partir d’observations de faire comme ceux qui savent faire. L’apprentissage vicariant consiste à observer et analyser les étapes de la réalisation d’une action par quelqu’un de semblable avant de le copier, de faire soi-même la même chose. Ainsi, l’apprentissage se fait par l’intermédiaire d’un autre apprenant qui fait office de médiateur face au professeur et de modèle, qui sait faire et qui est copié, modélisé dans son apprentissage par d’autres apprenants.
Je ne résiste pas au plaisir de citer cet article de Philippe Carré (professeur de sciences de l’éducation à l’Université Paris X Nanterre) tant la conception du monde de Bandura, me semble d’une complexité bienvenue et porte une notion essentielle aujourd’hui : l’appropriation.
Pour Bandura, le modelage, ou apprentissage vicariant, est un effet de l’observation, mais se distingue radicalement d’un simple mimétisme. On entend par modelage tout un travail d’observation active par lequel, en extrayant les règles sous-jacentes aux styles de comportement observé, les gens construisent par eux-mêmes des modalités comportementales proches de celles qu’a manifestées le modèle et les dépassent en générant de nouvelles compétences et de nouveaux comportements, bien au-delà de ceux qui ont été observés. De plus, tout en favorisant l’apparition de nouveaux comportements, le modelage agit sur la motivation, en ouvrant l’horizon de l’observateur vers de nouveaux bénéfices anticipés, en générant des affects, en agissant sur son système de valeurs. Il n’est pas jusqu’aux comportements créatifs qui ne soient influencés par le modelage, ce qui peut paraître paradoxal.
Je n’ai pas pris le temps de creuser la question mais ce concept me semble tout à fait éclairant pour examiner et comprendre des dynamiques d’apprentissage communautaire en ligne. Un dispositif de médiation numérique est donc un dispositif vicariant qui a pour moteur l’envie de constuire ou faire construire des savoirs ou des savoir-faire. David Cordina cite un exemple en milieu scolaire avec ce schéma de F. Guité datant de 2005 :
On voit bien qu’il s’agit ici de mettre en place un dispositif, le blog, dans lequel les élèves ne vont pas seulement apprendre par un savoir-faire transmis par le professeur, mais également par vicariance, c’est-à-dire en s’imitant les uns et les autres à l’intérieur d’un cadre. Il me semble que la notion est à la base du renouvellement des apprentissages en ligne, c’est au fond un « effet de réseau » très banal aujourd’hui. Le professeur à un rôle d’accompagnateur, mais ce rôle de se suffit pas à lui-même puisqu’il provoque un effet de réseau qui lui-même génère des apprentissages.
On me questionne souvent sur le terme de médiation qui semble flou. Nous en discutions récemment sur twitter avec @jdalat, @florencemeichel et @w2ydavidsans parvenir à trouver un meilleur terme qui prenne en compte à la fois l’accompagnement et la vicariance, au delà des outils. Il me semble toujours que médiation est le moins mauvais, parce qu’il indique l’idée de lien et s’articule très bien à la notion de dispositif, selon la définition que j’avais proposée, indiquant que les dispositifs sont plus ou moins impliquant pour ceux qui les conçoivent. Le plus clair pour indiquer qu’il s’agit de provoquer une vicariance (une copie, une subsitution) et non pas strictement « d’accompagner » est de reprendre la typologie des dispositifs de Lirographe. Ici le B correspond au positionnement de la Bibliothèque mais pourrait être remplacé par n’importe quel médiateur numérique.
Ces réflexions m’amènent à retoucher un peu la définition de médiation numériqueque j’avais proposées par l’ajout de savoir-faire :
La médiation numérique est une démarche visant à mettre en œuvre des dispositifs de nature techniques, éditoriaux ou interactifs pour favoriser l’accès organisé ou fortuit, l’appropriation ou la dissémination de contenus à des fins de diffusion des savoirs et des savoir-faire.
Du coup, le rôle du bibliothécaire, médiateur parmi d’autres est de concevoir des dispositifs de médiation qui peuvent être vicariant, dans une dynamique de changement social. Ok tout ça peut sembler jargonneux, mais j’assume, il faut parfois jargonner pour clarifier!
Bien sûr il reste à rendre lisible ce que peuvent être ces dispositifs de médiation numérique, je cite pas mal d’exemple dans les formations que je propose et vous en trouverez décrit dans mes billets en suivant ce lien. (2290)
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