Créé le dimanche 8 juin 2014 |
Mise à jour le lundi 9 juin 2014
Se reposer sur une mécanique bien rodée réduit incertitude
et risque. Même en matière d’apprentissage, se fonder sur un scénario
pédagogique excluant les facteurs d’incertitude liés à des pratiques,
techniques pédagogiques nouvelles ainsi qu’à l’introduction de
technologies innovantes, offre un confort indéniable.
C’est aussi un bon
moyen d’éviter de se mettre en difficulté et de s’assurer une
réputation d’enseignant plébiscité par ses élèves (ainsi que leurs
parents). En effet, bien que l’apport des nouveaux outils soit pensé
comme nécessaire par la communauté des apprenants, ces derniers restent
sceptiques lorsqu’ils sont confrontés à une modification de leurs
habitudes d’apprentissage.
De ce fait, on peut en déduire que la classe
inversée ainsi que l’introduction des smartphones et des réseaux sociaux
dans l’espace d’une classe ne pourront se développer qu'à la condition
de repenser la scénarisation des formations et l’acte pédagogique.
La forte empreinte des modèles pédagogiques traditionnels
Qu’est-ce qu’un bon cours ? La réponse pourrait sembler difficile à
donner … et pourtant on observe une certaines permanence des éléments
d’appréciation qui tiennent à la structure, à la diversité des
activités, au temps de synthèse et de prise de notes.
Si on peut dégager
des principes immuables dans la construction d’un cours, il est alors
possible de les modéliser. On aboutit alors à organiser tout
apprentissage de façon quasi linaire selon un rythme prédéfini.
On
aboutit comme le souligne Bruno Devauchelle à une « vision mécaniste » de la notion de scénario de cours qu’il suffit « d’observer et démonter » pour ensuite « modéliser pour implémenter dans une machine qui pourrait jusqu’à remplacer l’enseignant ».
Cette tendance à la modélisation des formations est largement
utilisée dans le cadre de l'e-learning. En posant de façon quasi
systématique des règles dans la scénarisation et le séquençage, force
est de constater que les dispositifs de formations tendent à se
standardiser, et s’articulent le plus souvent autour du triangle
vidéos-fiches-exercices auquel s’adjoignent des espaces collaboratifs
qui n’en n’ont que le nom.
Or ces structures qui permettent une
industrialisation aisée des modules de formations n’ont qu’un impact
pédagogique limité. Ils laissent peu de place à un élément primordial en
pédagogie, celui de l’aléa.
L'aléa numérique, ressort pédagogique incontournable
L’aléa nécessite de faire une place aux adaptations qui viendront
bousculer, voire transformer en profondeur le scénario initial. Une
question imprévue qui peut faire débat, des fous-rire incontrôlables
d’élèves, des oublis de documents ou encore de manuels sont courants.
Ce
sont ces événements qui « font la classe » et crée la dynamique du
groupe. A ces imprévus du présentiel, viennent se superposer de nouveaux
facteurs d’incertitude tels que les défauts de fonctionnement du TBI ou
TNI, des serveurs inaccessibles, des connections internet défectueuses,
la batterie vide de la tablette et la mystérieuse disparition du
chargeur...
Cette énumération qui n’est
pas exhaustive vient souligner le fait que dans ces situations,
enseignants et élèves doivent s’adapter, en direct et en temps réel.
L’aléa est donc sous-jacent à l’utilisation du numérique.
Maîtriser l'incertitude
La difficulté tient à ce que les outils numériques qui offrent des
possibilités formidables en matière d’apprentissage ne peuvent être
limités à une utilisation occasionnelle. L’évolution est progressive
certes mais les tendances éducatives fondées sur une utilisation
systématique du numérique trouveront leur place.
Et qui dit utilisation
plus fréquente, dit aléas eux aussi plus fréquents... Cependant, un aléa
peut être maîtrisé. Ainsi créer une séquence centrée autour d’un usage
numérique oblige l’enseignant à prévoir un plan B, au cas où l'outil ne
fonctionnerait pas ou dont l'utilisation s'évèrerait moins facile que
prévu.
Mais alors pourquoi s’embarrasser du numérique s’il faut tout de même
construire un cours sans le numérique ? Pourquoi perdre du temps ?
La réponse est simple : pour en gagner ! Cette affirmation mérite quelques éclaircissements.
D’un point de vue technique, les utilisateurs gagnent en matière de
connexion et d’accès. Pour exemple, les durées de rétablissement des
réseaux se réduisent et les temps de chargement de vidéos ou
d’applications sont toujours plus courts. L’incertitude du
fonctionnement est maîtrisée.
D’un point de vue pédagogique, la réalisation d’un cours à partir du
numérique permet de modifier sa démarche. Dans le cadre du scénario de
cours (à ne pas confondre avec la scénarisation pédagogique, travail de
conception d’un dispositif de formation dans son intégralité),
ll'enseignant peut aisément endossier plusieurs rôles, entre expert de
la matière, concepteur et animateur.
L’espace classe est plus perméable
au monde, puisqu’Internet et les réseaux permettent un contact avec
l’environnement extérieur.
L’enseignant va devoir à plus ou moins long terme intégrer cette
mutation de sa fonction et de l’espace d’apprentissage. Comprendre
comment intégrer les nouveaux ressorts de l’enseignement liés à
l’introduction massive du numérique participe à une meilleure gestion du
temps de la formation de l’enseignant ainsi qu’à la mise en œuvre de
nouvelles techniques et démarches pédagogiques.
Car un cours basé sur le numérique, rappelons-le, ne se limite pas à
une vidéo de 3 mn et un exercice. Passer à un apprentissage digital
oblige à une réflexion profonde sur les supports présentés, leur
contenu, leur temps d’appropriation, leur contestation possible, à une
mise en œuvre d’activités diverses, qui évolueront selon les apprenants
et les applications numériques disponibles, à imaginer des productions
créées dans les espaces d’échange et de travail collaboratif, à leur
articulation, aux rôles des apprenants et de l’enseignant, à leur
évaluation,… Cette foule d’axes qu’intègre le scénario sont autant de
questions, d’imprécisions et d’incertitudes qui pèsent sur le pédagogue.
S’y préparer, c’est anticiper l’aléa et rendre l’incertitude créative.
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