Propos de Marcel Lebrun
Formation en ligne et/ou à distance, classes inversées, hybridation ... Question souvent posée : mais qu'arrivera-t-il au salaire (les sous ) de l'enseignant, tuteur devenu, alors qu'il est bien souvent rétribué au "nombre d'heures d'enseignement en salle" ? Réponse : Que les enseignants soient rétribués, non plus sur la base des heures d'enseignement, mais plutôt proportionnellement aux ECTS (temps de travail "apprenant") dont ils ont la charge.
Deux raisons : (1) enseigner c'est fournir à l'apprenant des occasions d'apprendre et (2) l'UE recommande (impose ?) de définir les enseignements en ECTS.
Autant dire, cette idée est © ... Bon d'accord, ce n'est qu'une application du principe "formation centrée sur l'apprentissage". Et du principe à sa mise en place, c'est la cohérence
Sylviane Bachy idée
intéressante, mais j'imagine que sa réalisation financière ne va pas
arranger le politique. Aujourd'hui un enseignant est payé plus ou moins
30h pour un cours de 5ECTS (150h) soit un cinquième entre le temps
enseignant et le temps apprenant. Passer à l'autre logique exposerait
les institutions à revoir son financement : pas évident du tout que cela
!
Marcel Lebrun Hum Sylviane Bachy,
mais on peut même le faire à budget constant par un vieux machin qui
s'appelle la "règle de trois". L'avantage serait simplement l'autonomie
(enseigner et/ou favoriser l'apprentissage) au sein des ECTS attribués
Propos de Jean-Paul Moireau
Comment imaginer le futur des
enseignements et des apprentissages quand on ne dispose que des idées
d’aujourd’hui ? C’est une question qui ne cesse de me tarauder lorsqu’il
s’agit d’imaginer l’espace physique de formation. Je crains
régulèriement d’habiller de code numérique des idées anciennes.
Nous entendons, nous lisons de plus en
plus régulièrement le terme de classe connectée. Que recouvre ce terme
avec lequel nous devons composer dans nos réflexions ? Qui est connecté
(un lieu, des lieux, des machines, des personnes, les quatre en même
temps? Quel est la définition du mot classe ?
Tout d’abord il faut tenter de cerner le
mot classe. Nous pouvons l’entendre au moins avec deux sens. Celui
immobilier qui englobe les murs, les tables, les chaises, les tableaux.
Doit-on envisager cette classe seule ou faut-il l’englober dans un
ensemble plus vaste qui est l’établissement. Il faut ici se poser la
question des agencements dans un contexte numérisé.
Nous pouvons aussi l’entendre comme l’ensemble des élèves
constituant un groupe classe. Il est fréquent que nous parlions de nos
élèves en évoquant la classe de 6ème, la classe de quatrième, la classe
de terminale.
Ces deux acceptions du terme ne nous
renseigne pas sur sa taille et sa situation car elle peut être chiffrée à
15, à 30, à 400, à 800 … Elle peut être de taille modeste dans une
classe unique dans une école de campagne ou un immense amphithéâtre de
900 places pour des cohortes de L1.
On le constate c’est un terme unique qui
nous est proposé pour évoquer un ensemble de solutions hétérogènes. Nous
entrons dans la complexité.
Il ne s’agit pas de faire disparaître un
terme pour en faire émerger un autre mais bien d’interroger ce concept,
de le triturer, d’en extraire un substrat.
Qu’est ce qu’une classe au 21ème siècle ?
Le concept large d’espace éducatif semble mieux convenir que celui de
classe. La seule entité physique immobilière n’est plus suffisante pour
appréhender correctement ce lieu. La classe est un subtil mélange entre
l’espace réel et l’espace virtuel dans lesquels enseignants et
apprenants circulent. C’est à partir de ce constat qu’il faut essayer de
penser la classe connectée.
Il ne s’agira pas ici de limiter la
réflexion aux acteurs du monde éducatif mais bien de l’élargir aux
architectes, aux designers, aux programmistes, aux chercheurs, aux
usagers, aux politiques, aux services des ressources humaines.
Qu’entend-on par classe connectée ? Qui est connecté ? On peut analyser ce concept à plusieurs niveaux de complexité :
1 – Intégrer des outils dans une salle
pour remplacer l’analogique par du numérique. Nous sommes ici dans un
processus de transfert /remplacement. La structure de la classe n’est
pas foncièrement transformée car le matériel est souvent concentré en
un lieu dédié (la salle informatique). On est encore dans un processus
de partition entre le cours traditionnel et le cours instrumenté.
2 – Les outils sont insérés dans la
classe et l’on commence à mixer l’espace réel avec l’espace virtuel. On
commence à scénariser mais il faut bien être conscient des difficultés
liées ; au risque de l’effet diligence, aux temps perdus en réglage, aux
quêtes de la connexion parfaite (ou dit autrement à batailler contre
l’absence de connexion) …
3 – Intégrer les outils numériques et
développer une réflexion qui permettent de passer d’une logique de
formation classique à une logique de formation instrumentée. La
réflexion est menée par les enseignants, les équipes enseignantes.
Formation et lieu de formation sont encore indissociables à ce stade.
4 – Intégrer les outils numériques et
développer une réflexion qui permette de passer d’une logique de
formation classique à une logique de formation instrumentée
transversale. La réflexion est menée au niveau d’un établissement. On
intègre dans le processus réflexif la communauté scolaire qui collabore
en inter-corps. On peut commencer à modifier, non plus la seule
structure de la salle mais l’agencement de certaines parties de
l’établissement. Nous sommes ici encore largement dépendant de l’effet
prof / chef d’établissement. Les constructions sont très dépendantes des
individus et pas encore de la structure.
5 – Engager une réflexion sur le sens du
terme connecté pour une classe, c’est-à-dire au-delà de la simple
capacité technique de connecter des outils au web. Nous pouvons
entendre ici le terme connecté comme la capacité opérationnelle
d’associer les machines et les acteurs :
Connecter des machines —
> C’est se poser la question de leur placement dans l’espace. Où
doit-on les placer pour favoriser la collaboration en classe si l’on
part du postulat que les fonctionnalités de ces machines tendent à
favoriser la collaboration et la coopération.
Connecter des individus —
> Il faut partir à nouveau de la spatialisation desdits individus.
Pense t-on que la classe est le seul lieu d’apprentissage et
d’enseignement ? Si non il faut converger vers le concept d’espace de
formation connecté et plus celui réducteur de classe connectée.
Il faut ici identifier quels sont ces espaces ? Ceux au sein desquels s’exercent des interactions :
L’espace de la classe comme lieu
d’interaction entre un enseignant et des apprenants. Les designers, les
architectes, les programmistes, les acteur de terrains peuvent s’emparer
de ce débat en collaborant ;
L’espace de l’établissement au sein
duquel peuvent s’exercer une multitude d’interactions scénarisées. Les
équipes, les chefs d’établissement peuvent s’emparer ce ce débat en
collaborant ;
Les espaces d’une multitude
d’établissements au sein desquels des équipes peuvent collaborer. c’est
peut être ici que commence la réflexion le concept de connexion. Le
numérique nous donne enfin la possibilité de faire converger les savoirs
là où on peut les trouver.
La classe existe aussi comme lieu d’entrée
vers des interactions multiples. Les équipes des réunions de bassins
peuvent s’en emparer en associant les acteurs des projets ;
Les espaces personnels des acteurs
(enseignants et apprenants) sont devenus des espaces du savoir car le
numérique professionnalise par intermittence ce lieu. En disant cela,
j’induis l’idée qu’un enseignant peut travailler de son domicile (ou
d’un lieu de télétravail dans un établissement qui reste à inventer).
La
question ici plus que technique est politique et juridique car il faut
redéfinir le temps de travail. Qu’est ce que le temps de travail si la
connexion affranchit parfois du rapport présentiel enseignant /
apprenant. Nous entrons ici dans l’innovation de la classe connectée.
C’est de l’innovation sociale :
Comment imaginer juridiquement le nouveau
temps de travail dans l’espace de formation connectée ? Comment réguler
ces temps connectés ?
Comment réguler les espaces connectés ? La
distance peut-elle devenir une variable des services enseignants et
apprenants ? Peut on imaginer une économie de la confiance lorsque la
classe connectée agrège des compétences distantes ?
L’innovation est l’horizon du quotidien
des enseignants, il faut la compléter par de l’imagination et de
l’audace politique (État et collectivités locales) pour penser
réellement la classe connectée.
La classe connectée en tant qu’espace
large d’interaction s’exerçant dans des lieux institutionnels et / ou
privés devrait engager les constructeurs immobiliers à penser la
conception d’espace collectifs dans les immeubles.
Pourquoi ne pas
imaginer des pièces communes de co-working dans les immeubles ? La
collaboration doit se vivre par l’imagination. Dite aujourd’hui l’idée
peut paraître farfelue mais elle mérite une réflexion me semble t-il.
Dans ce billet, je me suis contenté d’ébaucher une réflexion, il faudrait que d’autres contribuent à cette amorce de cadrage.
Je termine ce billet par cette
sempiternelle bouteille à la mer, décideurs, politiques, enseignants,
cadres, élèves les colonnes de ce blog vous sont ouvertes pour
argumenter, débattre. Oser ce serait déjà un réel acte de connexion à
vocation réticulaire.
Propos de Jean-Paul Moireau
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