lundi 14 juillet 2014

Mais à qui appartiennent les MOOC ?

La question du droit d’auteur est fondamentale dès lors que l’on se lance dans un MOOC. Ces projets complexes impliquent de nombreux acteurs : le ou les enseignants bien sûr, la structure qui l’emploie, la plate-forme qui héberge le cours, d’éventuels prestataires extérieurs (pour la réalisation des vidéos par exemple) …  

Avant de se lancer, il est nécessaire de déterminer à qui appartient quoi. A travers quelques vidéos d’Audrey Ego (notre experte « Propriété Intellectuelle »), je vous propose de revenir sur le problème fondamental de la propriété intellectuelle …

Tout d’abord, à partir de quand peut-on prétendre faire valoir son droit d’auteur ? Ce n’est pas parce que vous avez exprimé une idée pour la scénarisation du MOOC, ou que vous avez filé un coup de main pour la rédaction d’un cours qu’automatiquement vous pouvez prétendre faire valoir vos droits d’auteur … 

Il faut donc commencer par se pencher sur les conditions de protection du droit d’auteur … Il faut en effet réunir un certain nombre de conditions pour faire valoir ses droits, l’originalité de la création, et la forme de la création

Ensuite, il faudra faire la distinction entre les différents droits dont on pourra se prévaloire, entre les droits moraux (droit de paternité, droit à l’intégrité de l’oeuvre, droit de retrait ou de repentir, etc), et les droits patrimoniaux (droit de reproduction, de représentation). Bref, il y en a des choses à dire, et je vous laisse avec Audrey pour plus détails sur la question …



Se pose ensuite la question de la titularité des droits. A qui appartiennent les contenus ? Vous savez sans doute que contrairement à la plupart des agents publics (dont les enseignants du secondaire), les universitaires sont entièrement maîtres de leurs productions. Voilà de quoi remplir une deuxième vidéo  …



Le seul problème, c’est que les ressources produites ne sont en général pas le fait du seul enseignant, les contenus audio-visuels ne sont pas des livres, et ils impliquent en général de mettre en oeuvre les moyens de l’institution porteuse (à moins que l’on ne fasse le cours avec sa propre webcam, ce qui est possible aussi). Ce qui nous amène aux contrats de cessions de droit. Et je vous laisse, comme d’habitude, avec notre spécialiste propriété intellectuelle.



La question de la cession de droit avait déjà agité la sphère anglo-saxonne il y a quelques temps. Deux articles en anglais que je vous recommande : « Who owns a MOOC » publiés dans Inside HigherEd, et celui-ci pris dans Wired Academics. Tandis que dans certains cas les enseignants cédaient l’ensemble des droits à leur université, dans d’autres ils en étaient totalement maîtres.  Personnellement, je me mets dès que possible en licence libre dès que je produis quoi que ce soit (la CC-BY-NC-SA pour être plus précis) en faisant apparaître de manière évidente le logo sur les supports créés. 

Outre que cela s’inscrit dans la ligne de conduite que je défends (le service public doit œuvrer pour tous, on doit mutualiser les savoirs, blablabla), c’est nettement plus simple d’utilisation. Pas besoin de me demander d’autorisation pour utiliser mes contenus (je reçois quelques mails malgré tout de temps en temps), et je n’ai pas à demander d’autorisation à qui que ce soit même si je partage la titularité des droits, tant que je n’en fais pas un usage commercial.

Cela fait gagner un temps fou …Au fait, pour ceux qui ont besoin d’une mise à jour sur la notion de licence Creative Commons, une petite vidéo d’Audrey sur la question…



Et une autre, animée cette fois, qui vous expliquera rapidement le principe de manière ludique et amusante…

La propriété intellectuelle est un sujet qui peut paraître accessoire, mais il n’en est rien. Et nous avons eu quelques questions de personnes qui semblaient confrontés à des problèmes pratiques. J’en profite pour mettre les réponses d’Audrey, histoire que cela profite à tout le monde.

Q1 : Je me demande dans quel cadre rentrera, ou de quels droits réjouit-il un enseignant qui ne fait pas partie de l’enseignement supérieur? (enseignement secondaire, formateur tiers, …)

Audrey Ego :
Les enseignants du secondaire sont eux soumis à l’exception de service public dans la mesure où ils ne bénéficient pas « d’une absence de contrôle hiérarchique ». Ainsi, il y aura cession de plein droit au profit de l’établissement sur les œuvres créées par un enseignant du secondaire si ces oeuvres sont réalisées dans le cadre de ses missions ou d’après les instructions reçues. 

La réponse est plus difficile par exemple pour les PRAG ou les PRCE, et aucun texte de loi ou de jurisprudence nous permet aujourd’hui de voir dans quelle catégorie il se situe, l’appréciation se fera donc au cas par cas malheureusement.. Pour les formateurs tiers, comme des professionnels, ils bénéficient eux du principe du droit d’auteur et sont donc titulaire des droits sur leurs cours sauf si un contrat de cession est signé avec l’établissement où il enseigne.

Q2 : Qu’en est-il d’un enseignant en secondaire qui fait une réalisation (un produit livrable) en collaboration avec un enseignant chercheur?

Audrey Ego :
Dans ce cas l’enseignant du secondaire est assimilé à un agent de l’Etat qui cède de plein droit à son établissement les droits d’exploitation sur les oeuvres créées dans le cadre de ses missions. 

Concrètement cela signifie qu’il est nécessaire de faire signer un contrat de cession uniquement à l’enseignant du supérieur sauf si exploitation commerciale de l’œuvre!

Q3 : Les vidéos produites par un prestataire extérieur , et créées sous licence créative commons pour le compte d’une collectivité territoriale appartiennent t elle au prestataire ou à la collectivité territoriale  ?

Cela va dépendre des conditions du contrat, certainement du contrat de commande, entre la collectivité territoriale et le prestataire externe. un tel contrat prévoit généralement une clause de propriété intellectuelle, d’après cette clause le commanditaire (la collectivité) deviendra propriétaire des vidéos créées, par contre elle devra respecter le droit moral (et faire figurer le nom des auteurs de la vidéo). Si aucun contrat n’a été signé, aucune clause de PI prévue, alors la propriété appartient au prestataire extérieur. Cela étant dit la vidéo étant sous licence CC, si aucun contrat n’a été prévu la collectivité peut réutiliser la vidéo si elle respecte les conditions de la licence choisie.

Matthieu :
Il y avait une experte prête à répondre à des questions de propriété intellectuelle. Beaucoup ont voulu en profiter et c’est normal, c’est pas tous les jours Noël. Mais nous n’avons pu traiter qu’une fraction des questions posées. Au passage, cela pose le problème du temps que l’équipe enseignante peut passer à répondre aux gens sur les forums.

Si vous souhaitez répondre à des questions de ce type (et pas seulement des questions du genre « Où c’est qu’on rend les devoirs Monsieeeeeeeur ? »), l’enseignant principal (ou du moins quelqu’un qui assure sur le plan pédagogique) doit aller faire un tour sur les forums de temps en temps, même si un community manager sans connaissance du domaine peut se charger des affaires courantes. Perso, je recommande au moins une à deux heures par semaine par prof pour répondre à ce type de question (mais qu’il ne se concentre que sur les questions où il a une véritable plus-value, pour laisser à d’autres le soin de gérer les questions d’ordre technique ou logistique).

Mais mine de rien, répondre à ce type de question est une activité particulièrement chronophage…. Au passage, comme nous l’avions évoqué dans un récent article publié dans MOOC&CO, voilà sans doute l’un des futurs modèles économiques des MOOC. Soit des réponses personnalisées à ce type de question (avec un paiement/question), soit un accès privatif à des forums où des assistants d’enseignement répondent à tout le monde (comme dans le CS50 de David Malan), car on peut plus facilement passer à l’échelle. Avis aux consultants/formateurs/entrepreneurs qui hésitent à se lancer dans les MOOC faute de modèle économique viable….



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