Le Module 7 d’eLearn2 est transversal aux formations numériques et aborde la question des interactions et du tutorat.
LES INTERACTIONS
Les bases théoriques qui justifient que l’on cherche par divers moyens à stimuler les interactions sociales pour le bénéfice de l’apprentissage ne sont plus à démontrer à travers notamment le conflit socio-cognitif
(si personne ne peut apprendre pour nous, nous apprenons par contre
mieux avec les autres, confronté à leurs idées). C’est aussi un facteur
d’engagement permettant de maintenir la motivation à apprendre.
Voir bien sûr Vigotsky et sa zone proximale de développement mais aussi l’approche connectiviste de
l’apprentissage dont les cinq composantes sont la communication, la
collaboration, la motivation, la créativité et l’intégration.
Michael G. Moore (2003) a établi une typologie des interactions
dans les formations à distance : les interactions entre l’apprenant et
le contenu, les interactions entre l’apprenant et l’enseignant/tuteur et
enfin les interactions entre les apprenants eux-même (interactions
sociales) auxquelles peut se rajouter un quatrième type d’interactions,
celle de l’apprenant avec l’interface de la plateforme et des différents
outils numériques.
De nombreuses études rendent la faiblesse de ces interactions responsable du fort taux d’abandon
dans ce type de formation. Mais finalement, de quel type d’interactions
parle-t-on ? Toutes sont-elles en cause ? L’éloignement social et
affectif des apprenants (motivation) et le manque d’interactions entre
apprenants (apprentissage) ont souvent été épinglés.
D’où les beaux
jours des formations hybrides (blended learning) qui
devaient venir compenser ces difficultés par des moments de rencontres
physiques relançant la motivation et favorisant les interactions entre
apprenants par la constitution facilitée de la communauté
d’apprentissage.
Pourtant dans leur étude, Interagir et (dé)motiver ? Cas d’étudiants adultes dans une formation à distance et en ligne, S. Bachy et L. Di Matteo notent que "les adultes déjà engagés dans un travail professionnel ne considèreraient pas les interactions comme nécessaires pour la motivation"
(autonomie fournie par l’expérience, pas de besoin d’interactions
sociales pour lesquelles ces apprenants n’ont pas de temps à consacrer).
Cette étude portait sur un échantillon assez faible mais un article de
Thot Cursus du 22 avril 2013 Dimension sociale de la FAD : beaucoup de bruit pour rien? questionne, lui aussi, ce qui semblait avoir été établi.
Il reprend un rapport du REFAD "La socialisation des étudiants en FAD au Canada francophone"
pour lequel Jean Loisier a interrogé 140 ‘éducateurs à distance’. Le
résultat est là encore surprenant : il semble que, dans ces parcours
majoritairement linéaires, " les enseignants et tuteurs sont pour le moins sceptiques sur l’efficacité des mesures d’accompagnement des apprenants, censées ‘réduire l’isolement’ et ‘soutenir la motivation’
". Les apprenants ne seraient pas en demande de socialisation et
semblent heureux d’apprendre seuls ! Étonnant quand on voir fleurir de
toute part les MOOC qui postulent la démarche inverse…
LE TUTORAT
Un rapide tour d’horizon des fonctions et des enjeux du tutorat dans les formations à distance :
Un rapide tour d’horizon des fonctions et des enjeux du tutorat dans les formations à distance :
Brigitte Denis en 2003 identifie 7 fonctions tutorales
- Accompagnement affectif / accueil
- Accompagnement méthodologiques
- Accompagnement technique
- Accompagnement disciplinaire
- Métacognition / autorégulation
- Régulation
- Conseil personnalisé
Ce schéma, proposé par Jacques Rodet sur sur blog de TAD, précise clairement les différents champs de l’apprentissage sur lesquels peuvent influer les actions tutorales.
Le
tutorat doit sans doute prendre en compte ces études présentant des
apprenants solitaires et silencieux mais heureux de l’être sans pour
autant oublier tous les autres qui bénéficieront de cet accompagnement.
Quant à savoir si le tuteur doit être expert du domaine disciplinaire qu’il accompagne, j’aurais
tendance à répondre non, s’il peut, en cas de besoin, solliciter un
expert.
Son rôle est d’accompagner vers l’autonomie (être à côté de)
et non d’enseigner. Le rôle de l’enseignant lui-même glisse
progressivement vers celui d’animateur.
Mais il faut aussi prendre en
compte les représentations des apprenants et la manière dont ils vont recevoir et pouvoir profiter de cette aide sachant que le tuteur n’est pas expert…
Dans un idéal
où le tuteur est formé et dispose du temps nécessaire pour accompagner
chacun, le rôle reste à mon sens compliqué dans la modulation et
l’adaptation à chaque cas différent qu’il exige pour guider vers
l’autonomie. Mais sur le terrain, ces contextes (tuteurs formés et disponibles donc rémunérés) restent rares… Pour
avoir suivi deux formations universitaires à distance, je peux
témoigner d’un certain nombre de cours réalisés… en auto-formation !
Du
coup, certains discours que j’ai pu entendre ou lire et qui m’ont
souvent agacée "un bon tuteur est celui qui ne répond pas avant une
semaine" ou encore "un bon tuteur demandera systématiquement à
l’apprenant de reformuler autant de fois que nécessaire pour qu’il
puisse trouver seul la réponse" peuvent sans doute se comprendre comme
des tentatives pour légitimer des situations souvent difficiles.
Et dans le cadre de mon projet …
La durée courte (quelques heures) de mon projet de formation rend plus complexe encore le
tutorat qui peut alors se transformer en traversée du désert… Les
formations M@gistère, quelque soit le contenu disciplinaire, doivent
aussi représenter une invitation à l’utilisation du numérique pour soi
(se former, veiller), pour partager (réseaux) et bien sûr pour
enseigner.
Favoriser les interactions est donc
essentiel mais il faut tenir compte du niveau de maîtrise du numérique
très variable chez les enseignants du primaire. Les forums représentent des outils simples pour favoriser les échanges entre les participants.
Pour évacuer la question technique, une première activité de présentation pourra fournir le prétexte d’un message posté sur le forum général. Une capsule vidéo engagera ensuite les participants à configurer leur profil et les notifications.
Un
débat autour d’une séance filmée encouragera la participation avant de
proposer aux enseignants d’échanger sur leur propre pratique (parole
plus risquée). Cette activité d’écriture collaborative
permettra de collecter différentes pratiques dans un document partagé.
Je n’opterai pas pour le Wiki de la plateforme (Moodle customisé)
pourtant indiqué. Pour l’avoir testé, son utilisation avec des
participants ne l’ayant jamais pratiqué, n’est pas concluante. Les
enseignants sont sans doute plus à l’aise avec un Google Doc ou n’importe quel autre service
similaire proposant une interface de type page blanche + traitement de
texte habituel. L’autre contrainte de l’outil que je choisirai est un
accès par partage de lien, simple mais privé.
Cette solution présente
l’inconvénient de sortir de la plateforme (peu souhaitable pour la
cohérence du parcours et le confort des participants) mais elle permet
au document créé de rester visible même après la suppression de la
session de formation sur la plateforme. Elle propose aussi une
(éventuelle) découverte d’un outil réutilisable par la suite par les
enseignants pour collaborer sur d’autres projets.
Un tutorat proactif par annonce et par relance dans les forums doit stimuler les échanges et rendre cette formation vivante malgré sa durée. Il faudra doser cette activité afin de ne pas inonder les participants par des notifications trop nombreuses.
L‘étalement de la formation dans le temps
représente un autre paramètre sur lequel il est aussi possible de jouer
pour encourager les échanges. Trop resserré, les échanges n’ont pas le
temps de s’installer, trop long, la motivation s’épuise et chacun se
replie sur son espace.
A mon avis, il est intéressant, pour rythmer la
formation, de fixer un point de rendez-vous afin que tous se retrouvent à une date donnée (stimulation et relance) sur
une activité d’échange asynchrone du parcours, cette date étant
clairement précisée en début de formation afin que chacun organise son
parcours en conséquence. Les outils
synchrones sont sans doute peu indiqués ici ( les emplois du temps sont
souvent chargés et il serait mal venu de demander à ces enseignants de
se connecter le soir, moment réservé à la famille, à la vie privée … ou
aux corrections :-) ).
Sources :
Sur les interactionsFrançoise Docq, eLearn2 : Interactions et apprentissage (vidéo)
S. Bachy et L. Di Matteo, Interagir et (dé)motiver ? Cas d’étudiants adultes dans une formation à distance et en ligne
Sur le Tutorat
Françoise Docq, Le tutorat en ligne : points de repère (présentation, 11′)Brigitte Denis, Quels rôles et quelle formation pour les tuteurs intervenant dans des dispositif de formation à distance ? Distance et Savoir
Pour aller plus loin :
Lucie Pearson, Le connectivisme (Prezi)Jean Loisier, La socialisation des étudiants en FAD au Canada francophone, REFAD, 2014 (pdf) Jacques Rodet, Le blog TAD sur l’actualité du tutorat à distance
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