L'efficacité et la pertinence des formations sont peu analysées, faute de temps et de cadre.
La réforme en cours devrait inviter les entreprises à réfléchir au retour sur investissement.
Selon des données diffusées par le
cabinet QuinteSens, un salarié mémorise en moyenne 20 % du contenu de sa
formation, un chiffre qui chute à 5 % six mois plus tard, si l'occasion
ne lui est pas donnée de mettre la théorie en pratique ! Est-ce à dire
que les formations sont mal ciblées ou que les méthodes pèchent ?
Pour
les entreprises, l'évaluation reste une thématique secondaire, comme le
souligne l'étude récente du Commissariat général à la stratégie et à la
prospective (CGSP). « Seules 5 à 6 % des entreprises françaises évalueraient le RoI (retour sur investissement), lâche Yann Coirault, pilote de l'innovation chez CSP Formation, contre
le double aux Etats-Unis, où les apprenants investissent souvent leurs
propres deniers dans la formation et apprécient cette notion. » Très peu évaluent en fait le RoE : le retour sur les attentes. « Pour l'heure, l'obligation légale est de faire et non de bien faire », résume Jonathan Pottiez, auteur d'une somme sur le sujet, « L'évaluation de la formation » (éditions Dunod).
LA PLUS REPANDUE, L'EVALUATION à CHAUD
La
mesure la plus pratiquée est celle de la satisfaction en fin de
formation : celle-ci interroge le participant sur la qualité des
intervenants, le découpage et le rythme des sessions (voire la
restauration !) « mais ne répond ni à la question des acquis, ni à
celle de l'utilité pratique, sans s'appesantir sur les progrès
justifiant économiquement son coût », constate Alain Meignant, enseignant à Paris-Dauphine et à l'Essec (1).
« Ce qui manque, ce sont des informations factuelles permettant au service formation de prendre des mesures de prolongation, de suppression ou de réorientation », détaille-t-il. Un point de vue que ne partagent pas les entreprises qui accordent un large crédit aux premières impressions « à chaud » : « Dans l'euphorie d'un séminaire qui rompt la routine, les retours sont positivement influencés, mais l'avantage en cas de feed-back négatif est de repérer immédiatement les failles, de corriger le tir avant les futures sessions », plaide Yves Laqueille, DRH d'Allianz France, par ailleurs fervent défenseur des évaluations « à froid ».
« Ce qui manque, ce sont des informations factuelles permettant au service formation de prendre des mesures de prolongation, de suppression ou de réorientation », détaille-t-il. Un point de vue que ne partagent pas les entreprises qui accordent un large crédit aux premières impressions « à chaud » : « Dans l'euphorie d'un séminaire qui rompt la routine, les retours sont positivement influencés, mais l'avantage en cas de feed-back négatif est de repérer immédiatement les failles, de corriger le tir avant les futures sessions », plaide Yves Laqueille, DRH d'Allianz France, par ailleurs fervent défenseur des évaluations « à froid ».
DES OUTILS DE MESURE PARTIELLEMENT UTILISES
Si
les évaluations à chaud sont empiriques, celles effectuées à froid se
fondent sur des modèles comme celui imaginé dès 1959 par Donald
Kirkpatrick (lire ci-contre), qui mesure le bénéfice des actions menées à
la fois pour les salariés et l'entreprise. Un modèle imparfaitement
utilisé : « Plus on progresse dans la hiérarchie des niveaux de Kirkpatrick, plus rares sont les pratiques d'évaluation associées »,
témoigne Jonathan Pottiez, directeur produit et innovation de Formaeva.
Sandra Enlart, directrice générale d'Entreprise et Personnel et présidente du Conseil national d'évaluation de la formation (2), confirme : « Les niveaux 1 et 2, tout le monde les utilise car la satisfaction est correcte. Le niveau 3 est évanescent, au stade des expérimentations. Je ne connais pas d'entreprise qui s'intéresse au niveau 4 car cela mobiliserait beaucoup de temps et d'argent. »
L'évaluation a effectivement un coût : elle mobilise le service formation - déjà accaparé par la gestion administrative - ainsi que l'encadrement au sens large et pose des questions que les responsables n'ont pas toujours le courage d'affronter.
Sandra Enlart, directrice générale d'Entreprise et Personnel et présidente du Conseil national d'évaluation de la formation (2), confirme : « Les niveaux 1 et 2, tout le monde les utilise car la satisfaction est correcte. Le niveau 3 est évanescent, au stade des expérimentations. Je ne connais pas d'entreprise qui s'intéresse au niveau 4 car cela mobiliserait beaucoup de temps et d'argent. »
L'évaluation a effectivement un coût : elle mobilise le service formation - déjà accaparé par la gestion administrative - ainsi que l'encadrement au sens large et pose des questions que les responsables n'ont pas toujours le courage d'affronter.
PEU OU PAS DE CAHIER DES CHARGES
Quelle que soit la formation, « animer une réunion » ou « comprendre Bâle III », celle-ci doit répondre à des besoins métiers. « Le
processus d'évaluation commence en amont par l'identification des
attentes des commanditaires, traduites ensuite en objectifs de formation
et indicateurs permettant en aval d'évaluer l'impact organisationnel de
la formation communiqué à toutes les parties prenantes (apprenants,
managers, formateurs, etc.) », insiste Jonathan Pottiez.
Traduction : les managers doivent être impliqués dans le projet depuis la définition des « manques » à combler jusqu'à la mise en oeuvre des nouveaux savoirs dans le poste de travail.
« Une série de facteurs influent sur les conditions du transfert des acquis : l'environnement de travail immédiat, le soutien des pairs, le rôle du management de proximité, le soutien organisationnel », énumère Sandra Enlart.
La chercheuse en sciences de l'éducation invite également l'entreprise à s'intéresser aux moteurs de l'apprentissage : « Les quizz se généralisent sans toutefois répondre à la question de l'efficacité pédagogique : qu'est-ce qui cause précisément le transfert des connaissances ? A quel moment s'opère-t-il ? » Le plus délicat selon Gilbert Font, directeur du développement des talents de Safran, est de réussir à constituer une « équipe vertueuse » : « Mon ambition est d'instaurer un carré magique entre des acteurs (université interne, prestataires de formation, rh de proximité et managers) qui acceptent spontanément de nourrir des rapports entre eux afin d'analyser ensemble les retours d'expérience d'après formation », détaille-t-il. Auparavant rien n'obligeait ces acteurs dont les intérêts pouvaient diverger à s'asseoir à la même table. « La standardisation des questionnaires d'évaluation à trois ou six mois améliore le système », constate Gilbert Font.
Traduction : les managers doivent être impliqués dans le projet depuis la définition des « manques » à combler jusqu'à la mise en oeuvre des nouveaux savoirs dans le poste de travail.
« Une série de facteurs influent sur les conditions du transfert des acquis : l'environnement de travail immédiat, le soutien des pairs, le rôle du management de proximité, le soutien organisationnel », énumère Sandra Enlart.
La chercheuse en sciences de l'éducation invite également l'entreprise à s'intéresser aux moteurs de l'apprentissage : « Les quizz se généralisent sans toutefois répondre à la question de l'efficacité pédagogique : qu'est-ce qui cause précisément le transfert des connaissances ? A quel moment s'opère-t-il ? » Le plus délicat selon Gilbert Font, directeur du développement des talents de Safran, est de réussir à constituer une « équipe vertueuse » : « Mon ambition est d'instaurer un carré magique entre des acteurs (université interne, prestataires de formation, rh de proximité et managers) qui acceptent spontanément de nourrir des rapports entre eux afin d'analyser ensemble les retours d'expérience d'après formation », détaille-t-il. Auparavant rien n'obligeait ces acteurs dont les intérêts pouvaient diverger à s'asseoir à la même table. « La standardisation des questionnaires d'évaluation à trois ou six mois améliore le système », constate Gilbert Font.
DES METHODES « à L'ANCIENNE » PLEBISCITEES
Se
concerter est d'autant plus difficile qu'en entreprise les formations
répondent souvent à des urgences ou à des réorientations de business :
c'est alors la mesure immédiate du progrès qui est ciblée.
Ainsi, en 2011, dans le cadre de son nouvel ancrage dans l'assurance, BPCE a déployé une plate-forme en ligne évaluant uniquement la maîtrise des notions apprises sans lien avec les nouvelles contraintes du poste. « Il ne serait ni réaliste ni judicieux de prétendre évaluer les formations selon le même moule », alerte Yves Laqueille, DRH d'Allianz France, qui privilégie le tutorat pour jauger le degré d'assimilation des formations juridiques ou techniques, tandis qu'il recommande le débriefing « à l'ancienne », animé à froid par le responsable formation autour d'anciens bénéficiaires, afin d'améliorer le contenu pédagogique des formations en management.
Disneyland Paris accorde une large confiance aux formateurs terrain - une équipe de 400 référents métiers - pour « observer à froid les nouvelles interactions qui font la différence, dont la capacité de résolution de problèmes », souligne Daniel Dreux, vice-président RH du parc. La sanction d'ailleurs peut être lourde : « Si le salarié en charge d'une animation n'est pas à la hauteur en matière de sécurité, il est affecté provisoirement à un autre poste et retourne éventuellement en formation. » Une attitude constructive mais qui appelle une autre question, celle de la subjectivité de l'évaluation.
Ainsi, en 2011, dans le cadre de son nouvel ancrage dans l'assurance, BPCE a déployé une plate-forme en ligne évaluant uniquement la maîtrise des notions apprises sans lien avec les nouvelles contraintes du poste. « Il ne serait ni réaliste ni judicieux de prétendre évaluer les formations selon le même moule », alerte Yves Laqueille, DRH d'Allianz France, qui privilégie le tutorat pour jauger le degré d'assimilation des formations juridiques ou techniques, tandis qu'il recommande le débriefing « à l'ancienne », animé à froid par le responsable formation autour d'anciens bénéficiaires, afin d'améliorer le contenu pédagogique des formations en management.
Disneyland Paris accorde une large confiance aux formateurs terrain - une équipe de 400 référents métiers - pour « observer à froid les nouvelles interactions qui font la différence, dont la capacité de résolution de problèmes », souligne Daniel Dreux, vice-président RH du parc. La sanction d'ailleurs peut être lourde : « Si le salarié en charge d'une animation n'est pas à la hauteur en matière de sécurité, il est affecté provisoirement à un autre poste et retourne éventuellement en formation. » Une attitude constructive mais qui appelle une autre question, celle de la subjectivité de l'évaluation.
Marie-Sophie Ramspacher, Les Echos
Modèle de Donald Kirkpatrick : décryptage
Niveau 1 : Réaction
A l'issue de la formation, évaluation à chaud de la perception et de la satisfaction des apprenants.Niveau 2 : Apprentissage
Mesure des acquis et de la motivation des stagiaires à transférer les savoirs acquis sur la base d'études de cas, des tests de connaissances, voire une auto-évaluation.Niveau 3 : Comportement
Trois mois après la formation, co-évaluation à froid de l'utilisation des acquis en situation de travail. A ce stade peuvent intervenir l'apprenant, son manager, ses collègues, mais aussi des clients-mystères, des fournisseurs, des auditeurs. Des groupes de discussion ou des analyses d'incidents peuvent être utilisés.Rare mais clef, cette phase identifie les freins au transfert des acquis.
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