mardi 19 novembre 2013

Quand les "Flipped Classrooms" font tilt !

Quand les "Flipped Classrooms" font tilt !
Marcel Lebrun, Le Grain asbl, 5 Novembre 2013

Il y eut les logiciels éducatifs, les cédéroms, les sites Web, le Web 2.0 … Voici à présent quelques nouveaux concepts qui fleurissent dans les journaux, les revues: plateformes d’eLearning, MOOC, Flipped Classrooms…
Nous nous intéresserons principalement au dernier, un concept charnière entre les savoirs-ressources dorénavant partout et en tout temps disponibles et les impératifs de l’accompagnement des apprentissages orientés compétences, devenir socioprofessionnel et contextes mouvants. Ces « classes inversées », soutenues par des outils TIC (pour les étudiants comme pour les enseignants) représentent un véritable « cheval de Troie » pour la nécessaire modernisation des formations au 21ème siècle.
1. Les Flipped Classrooms, ça flippe quoi au juste ?
Le concept, ou en tout cas l’appellation de Flipped Classrooms, est apparu vers 2007 quand deux enseignants en chimie dans l’équivalent de notre niveau secondaire, Jonathan Bergman et Aaron Sams[1] ont découvert le potentiel de vidéos (PowerPoint commentés, Screencast, Podcast …).
Il s’agissait pour eux de motiver leurs élèves à préparer (à domicile ou alors hors classe ou encore sans la présence physique de l’enseignant) les leçons qui sont traditionnellement données en classe afin de rendre ces dernières plus interactives: Lectures at Home and HomeWork in Class, le slogan était lancé.
L’air de rien, cette méthode est à la fois une petite révolution par rapport à l’enseignement dit traditionnel (le magistral, l’enseignement ex cathedra) et une piste d’évolution acceptable et progressive pour les enseignants qui souhaitent se diriger, sans négliger la transmission des savoirs (les connaissances cristallisées), vers une formation davantage centrée sur l’apprenant, ses connaissances et ses compétences (les connaissances fluides). Comme nous le voyons déjà, ces classes inversées (selon la traduction française largement répandue de Flipped Classrooms) repositionnent et redéployent les espaces-temps traditionnels de l’enseigner-apprendre.
Elles constituent une rupture par rapport aux formes traditionnelles d’enseignement en auditoire. En fait, ces dernières sont héritées d’un lointain passé (à l’époque de l’émergence d’une autre invention technologique fabuleuse, le livre) où il était d’usage, dans nos contrées, qu’un prêtre, un clerc, un professeur… fasse la lecture et interprète les écrits. Déjà à l’époque, le livre était vu par certains comme un vecteur d’émancipation de chacun et chacune. Qu’en est-il vraiment resté des siècles plus tard ? Les Flipped Classrooms marqueront-elles vraiment ce potentiel virage pédagogique ?
Le concept n’est pas nouveau: un de mes professeurs, à l’époque de ma première Candidature en sciences physiques à Louvain, appliquait déjà ce principe dans son cours de mécanique rationnelle : le média utilisé était … le bon vieux livre ! Chaque semaine, nous avions à lire un chapitre de ce manuel et la semaine suivante, il répondait à nos questions sur le contenu et les exercices proposés. Les premières semaines furent laborieuses mais nous comprîmes assez vite ses attentes. L’appellation est nouvelle: les slogans sont souvent mobilisateurs dans l’espèce humaine.
Autour de ce concept de Flipped Classrooms, les variations sont aussi infinies et nous vous en proposons une définition alternative plus large (une définition construite avec un de nos mémorants, Antoine Defise):
Une Flipped Classroom ou « classe inversée » est une méthode (une stratégie) pédagogique où la partie transmissive de l’enseignement (exposé, consignes, protocole,…) se fait « à distance » en préalable à une séance en présence, notamment à l’aide des technologies (ex. : vidéo en ligne du cours, lecture de documents papier, préparation d’exercice,…) et où l’apprentissage basé sur les activités et les interactions se fait « en présence » (ex. : échanges entre l’enseignant et les étudiants et entre pairs, projet de groupe, activité de laboratoire, séminaire, débat …).
Les classes inversées font partie de la famille des dispositifs hybrides[2]. Elles sont bien souvent supportées par une plateforme technologique (un rassemblement d’outils comme Claroline ou Moodle) et leur caractère hybride provient d’une modification de leurs constituants (ressources, stratégies, méthodes, acteurs et finalités) par une recombinaison des temps et des lieux d’enseignement et d’apprentissage. Il s’agit donc bien d’un continuum dont une dimension est liée au rapport présence-distance et une autre au rapport entre « enseigner » et « apprendre ».
La figure ci-dessous (Figure 1) illustre ce croisement entre d’une part présence-distance (transmission, activités, interactivités) et d’autre part l’enseignement et l’apprentissage.
- Figure 1 - Croisement des continuums spatio-temporels (présence et distance) et pédagogiques (enseigner et apprendre)
flippedclassroom-img1
(1) L’enseignement traditionnel transmissif se passe en classe; les interactions et les activités des élèves y sont bien souvent limitées. Les devoirs se passent à la maison ainsi que la préparation des examens.
(2) Le « flip » va agir reconsidérant les espaces-temps de l’enseigner-apprendre. Il s’agira de mieux occuper l’espace et le temps, d’accompagner une partie de l’apprentissage (mémorisation, compréhension…) hors de la classe et de rendre à cette dernière sa vocation liée à la rencontre, au caractère social de l’apprentissage.
(3) La figure se complète: la partie transmissive (les nécessaires savoirs, les principes, les théories…) se déroule en dehors de la classe soit à la maison, soit dans des lieux spécialement aménagés dans l’école; l’espace et le temps de la classe proprement dite (de la rencontre avec l’enseignant) sont utilisés pour les activités et les interactivités.
(4) L’hybridation (soutenue par le principe de variété dans les approches pédagogiques) mélange ces différents modes d’interaction. Les Flipped Classrooms ne sont pas présentées ici comme un mode unique de formation: tout au plus comme une alternative à d’autres méthodes, une configuration particulière.
Clairement, les Flipped Classrooms évacuent, si on peut dire, la partie transmissive voire l’appropriation des savoirs cristallisés, hors de la classe pour redonner à cette dernière son potentiel d’apprentissage et de co-apprentissage. Il en résulte aussi une révision des statuts des savoirs (en particulier ceux de nature informelle), des rôles assumés par les étudiants et les enseignants… En outre, nul besoin de flipper tout son enseignement en une fois: il peut s’agir d’une activité parmi d’autres, quelques semaines sur le quadrimestre. De quoi expérimenter et évoluer en douceur. Malgré l’origine initiale de la méthode, une Flipped Classrooms, ce n’est pas juste une vidéo avant le “cours” et du débat pendant le “cours”. Voici quelques idées d’activités « avant le cours » (temps 1) et « pendant le cours » (temps 2).
(Temps 1) Recherche d’informations, lecture d’un article, d’un chapitre, d’un blog…, préparation par les apprenants d’une thématique à exposer, interviews ou micro-trottoirs … à réaliser seul ou en groupe avant une séance en présentiel. Le résultat des investigations peut être déposé dans un dossier sur une plateforme. Aussi, des avis, des opinions, des commentaires, des questions… peuvent être déposés sur un forum, la vidéo captée lors de l’interview réalisée par les élèves peut être déposée sur YouTube…
(Temps 2) Présentation de la thématique par les étudiants, débat structuré sur des articles lus, analyse argumentée du travail d’un autre groupe, création d’une carte conceptuelle commune à partir des avis, opinions, commentaires récoltés, mini-colloque dans lequel un groupe présente et un autre organise le débat... pendant le moment (l’espace-temps) du présentiel...
Les “inventeurs” des Flipped Classrooms, Jonathan Bergman et Aaron Sams, expriment bien les transformations, les flips, induits par cette méthode (voir par exemple le site The Daily Riff, 2012)[3]:
La classe inversée est:
  • Un moyen d’amplifier les interactions et les contacts personnalisés entre les élèves et l’enseignant. Un environnement dans lequel les étudiants prennent la responsabilité de leurs propres apprentissages sous la guidance du formateur.
  • Une classe dans laquelle l’enseignant n’est pas le maître sur l’estrade “sage on the stage” mais l’accompagnateur attentif “guide on the side” en permettant ainsi différentes formes de différenciation.
  • Un mélange fertile de la transmission directe (j’enseigne) avec une approche constructiviste ou encore socio-constructiviste de l’apprentissage (c’est aux apprenants qu’il revient d’apprendre).
  • Une classe dans laquelle les élèves qui sont absents pour cause de maladie ou activités extra-curriculaires (pour des sportifs, sorties éducatives) ne sont pas laissés « en arrière ».
  • Une classe où les contenus travaillés (la « matière ») sont accessibles tout le temps pour les révisions, les examens, la remédiation.
  • Une classe où les étudiants sont davantage engagés dans leurs apprentissages.
  • Un lieu où les étudiants peuvent recevoir un accompagnement personnalisé.
La classe inversée n’est pas:
Un synonyme de vidéos en ligne. C’est ce que la plupart des gens imaginent. Pourtant, leurs caractéristiques essentielles résident surtout dans les interactions rendues possibles dans le cadre même de la classe et dans les activités d’apprentissage significatives (porteuses de sens).
  • Un remplacement de l’enseignant par des vidéos.
  • Un cours en ligne voire à distance.
  • Des étudiants qui font tout et n’importe quoi de manière non structurée.
  • Des étudiants qui passent le temps de la classe devant un écran.
  • Des apprenants autistes travaillant en isolation.
Les classes inversées se répandent étonnamment vite dans la formation (initiale et continue) et l’enseignement à tous les niveaux de l’école primaire[4] à l’enseignement supérieur où elles sont considérées comme complémentaires aux fameux MOOC (Massive Online Open Courses) et comme une perspective d’évolution des campus.
2. Une grande variété de "flip"
Lors d’une conférence récente, Forum@TICe à Reims en 2012 (Rencontres Académiques du Numérique, 2012)[5], j’ai proposé ma compréhension des divers « flips » qu’entraînent les Flipped Classrooms. Ils en font selon moi, un véritable cheval de Troie dont les institutions d’enseignement (de l’école à l’université) devraient s’emparer rapidement.
Les enseignements traditionnellement « donnés » dans les universités et les écoles supérieures sont dès maintenant externalisés, partout et en tout temps disponibles sur Internet (il suffit de regarder les MOOC, proposés par de puissants consortiums d’universités tels edX et Coursera. Les savoirs traditionnellement transmis ne “valent plus grand-chose” comme le montrent ces MOOC[6] dans lesquels les “cours” des plus prestigieuses universités sont distribués gratuitement (ceci dit, une attention particulière devrait se porter sur les modèles financiers qui émergeront bien vite). Le Monde de l’éducation titrait récemment (2 octobre 2013): Comme les abbayes au temps de Gutenberg, les universités dans leur forme actuelle vont disparaître. Michel Serres récemment écrivait: Je répète. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c'est fait. D'une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis.[7]
L’avenir des campus réside à devenir ou à redevenir des lieux de contextualisation des savoirs cristallisés transmis de génération en génération, des lieux de rencontre avec des savoirs vivants, des lieux de dévirtualisation des savoirs, des relations et des dispositifs, des lieux où le plaisir ne se réduit pas à un smiley,…
Il s’agit donc d’un tournant décisif par rapport à l’enseignement traditionnel (ex cathedra) hérité d’une époque où le livre était rare et d’une occasion de mutation pour les enseignants qui veulent (à juste titre d’ailleurs) à la fois transmettre les (leurs) connaissances tout en développant les plus que jamais nécessaires compétences des étudiants. En particulier, nous mettons l’accent sur les compétences transversales (esprit critique, travail d’équipe, communication, synthèse, créativité, …) qui doivent ce statut de transversalité aux faits:
  • d’être utiles et d’être utilisées dans toutes les disciplines,
  • d’être contextualisées dans des situations problèmes authentiques,
  • de se construire toute la vie durant (de l’école à la vie socioprofessionnelle et ne sont, en fait, jamais achevées),
  • et finalement d’être démultiplicatrices : leur maîtrise même partielle permet de faire d’autres choses (acquérir des savoirs, développer des aptitudes …).
Il nous faut donc flipper vers des dispositifs pédagogiques locaux à hautes valeurs ajoutées et les Flipped Classroomssont probablement une modalité transitoire (en termes de développement professionnel des enseignants) de cette évolution. Nous présentons ci-dessous différents flips[8] qui, chacun pris indépendamment, sont sans doute déjà présents dans certains enseignements. Les Flipped Classrooms les synthétisent et les organisent en donnant aux enseignants des pistes de développement professionnel progressives. Comme nous l’avons dit, les Flipped classrooms ne constituent sans doute pas une « nouvelle méthode pédagogique ». Il s’agirait plutôt d’un concept fédérateur porteur d’un nouvel état d’esprit concernant l’enseigner et l’apprendre dans un univers numérique. L’ère numérique n’est pas seulement une question de savoirs, de méthodes ou de techniques … C’est un état d’esprit.
Flip 1: Mieux utiliser les espaces (mobilité, rapports présence-distance) et les temps (flexibilité, synchronicité-asynchronicité) de l’enseigner et de l’apprendre (Flipper l’espace-temps)
Les technologies nous permettent de vaincre les contraintes usuelles d’espace-temps : le « cours » a lieu de telle heure à telle heure dans la classe 21 ou l’amphi B. Bien évidemment, dans l’enseignement dit traditionnel, les étudiants recevaient des exercices, des travaux … en application du cours reçu au préalable en classe. La stratégie est ici inversée : le « cours » a lieu en dehors de la classe par différents moyens ou médias technologiques et cette dernière est utilisée pour les exercices, les applications et les travaux. Nous pensons qu’il s’agit là de l’apport essentiel des technologies numériques actuelles: vaincre les contraintes de l’espace-temps. Une métaphore d’ancien physicien sans doute après celle de l’ordre et du désordre[9].
Flip 2: Proposer une formation plus individualisée et davantage en résonance avec les rythmes, les styles et les activités de chacun (Flipper les approches globales et analytiques, en surface et en profondeur)
Le principe de variété n’est pas loin ! On apprend de différentes façons avec souvent l’un ou l’autre mode privilégié … On apprend en écoutant, en imitant, en expérimentant, en explorant, en se trompant … en réfléchissant sur sa façon d’apprendre et celle des autres. Le Learning by doing est une façon d’apprendre, une ! Il ne s’agit pas seulement de « faire » ! Réfléchir sur son chemin d’apprentissage, seul ou avec les autres, est une façon d’améliorer sa compétence à apprendre. Il est vrai que les méthodes actives progressent dans l’enseignement et la formation. Cependant, les compétences sous-jacentes (dont les compétences transversales) sont souvent considérées comme un produit automatique ou latéral de la méthode : on apprend le travail d’équipe en travaillant en groupe. Mais qu’en est-il de la formation, des savoirs particuliers sous-jacents à ces compétences (il suffit de voir le nombre de livres consacrés à la gestion de projets, au travail d’équipe, à la recherche informationnelle …) ? Comment finalement évaluer le travail en groupe ?
Flip 3: Mieux balancer la nécessaire transmission des savoirs et le développement des savoir-faire et savoir-être, des compétences et de l’apprendre à apprendre (Flipper savoirs et compétences)
Faut-il vraiment avoir toutes les connaissances nécessaires, les connaissances préalables,… pour analyser, créer, faire des hypothèses, … ? Non, quand nous abordons un « problème » nous l’analysons, l’évaluons,… et nous allons ensuite à la recherche des savoirs nécessaires. La taxonomie de Bloom (connaître d’abord, comprendre et appliquer ensuite, analyser, synthétiser, évaluer, créer finalement) peut se retrouver "sur sa pointe" comme le montre déjà l’apprentissage par problèmes: une situation complexe, authentique, contextualisée, … est l’occasion de convoquer les savoirs nécessaires à sa réalisation ou à sa résolution (Figure 2). Les savoir-faire (analyser la situation et son contexte, préciser les questions qui se posent, émettre des hypothèses, évaluer leur pertinence…) peuvent précéder les savoirs ! Sans compter que dans les dispositifs inspirés des Flipped Classrooms, ce ne sont pas seulement les compétences cognitives qui sont exercées ou mises à l'épreuve mais aussi des compétences transversales comme: rechercher de l'information, communiquer, travailler en équipe, exercer son esprit critique, devenir autonome, gérer son temps…
- Figure 2 - La taxonomie de Bloom inversée ou comment des compétences de haut niveau peuvent conduire au « besoin de savoir »
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Flip 4: Rendre les étudiants davantage actifs et interactifs, plus impliqués (Flipper transmission et appropriation)
Pensons-nous vraiment que nous allons développer les compétences de nos référentiels en donnant (uniquement) des cours magistraux ! Je pense qu’ils sont révolus et qu’ils ne peuvent plus, à eux-seuls constituer le “patrimoine pédagogique” d’une institution: ils sont distribués gratuitement au travers des MOOC ! Quelles valeurs ajoutées allons-nous proposer ? Rencontrer des enseignants ? Des étudiants en formation à distance nous disent avoir trouvé plus de présence dans leurs cours que dans les cours en amphi. Confondrions-nous présence et proximité ? Confondrions-nous distance et absence ? Finalement, confondrions-nous enseigner et apprendre ? Il y va aussi d’une évolution entre les nécessités de transmettre un savoir déjà-là et les perspectives de développement personnel de tout un chacun. C’est un fait, la société devient numérique et l’école doit continuer à préparer à vivre dans cette société.
Flip 5: Répondre à des questions que les étudiants se posent plutôt que leur donner des réponses à des questions qu’ils ne se posent pas (Flipper les rôles, Flipper les « savants » et les « ignorants »)
Plus que des terriens (qui suivent les cartes routières), ce sont des marins que nous allons devoir former. Michel Fabre nous dit: “Nous étions terriens dans un monde stable; nous sommes devenus marins dans un monde héraclitéen où tout est changement, déconstruction et reconstruction … L’éducation doit s’adapter à ce monde problématique. La transmission des savoirs anciens devient inutilisable ; il faut “renoncer à chercher la certitude dans des référentiels fixes[10].
Il propose:
  • la carte, —l’expérience, les savoirs antérieurs, ces certitudes devenues provisoires— et
  • la boussole —le questionnement, le doute, la problématisation—, pour que les jeunes s’orientent sur la carte et, surtout, puissent y ouvrir d’autres chemins.
Andreas Schleicher (OCDE) nous dit: We live in a fast-changing world, and producing more of the same knowledge and skills will not suffice to address the challenges of the future. A generation ago, teachers could expect that what they taught would last their students a lifetime. Today, because of rapid economic and social change, schools have to prepare students for jobs that have not yet been created, technologies that have not yet been invented and problems that we don’t yet know will arise[11].
Les classes inversées sont une opportunité de rencontrer la complexité (par rapport à certaines formes d’enseignement linéaire), de construire du sens dans des savoirs déstructurés, d’apprendre à devenir un architecte de la connaissance et un entrepreneur de l’innovation.
Apprendre aux étudiants à apprendre et à enseigner toute la vie durant (un autre Flip de l’enseigner-apprendre).
Les exercices de compétences proposés en classe (communiquer, argumenter, présenter ses trouvailles…) prépareront aussi les étudiants à enseigner toute la vie durant. Tous, nous dit-on, nous allons devoir apprendre toute la vie durant, apprendre à apprendre toute la vie durant. Mais qui seront nos formateurs ? Nous bien sûr ! Apprendre à enseigner (la formation des enseignants) ne peut plus continuer à être une pièce rapportée sur le tronc des matières enseignées ou à enseigner. Apprenons à enseigner tout au long de notre apprentissage. Les communautés d’apprentissage sont aussi des communautés de (co-)formation. De manière explicite, si nous donnons l’occasion à nos apprenants de communiquer, de conduire des projets, de valider les informations, d’accompagner des groupes… peut-être deviendront-ils progressivement, à leur tour, des formateurs pour les autres apprenants. Une nouvelle vision de la formation des enseignants ?
Pour les enseignants, leur permettre une appropriation (un développement professionnel) progressive… nul besoin de tout “flipper” en une fois.
L’enseignant peut commencer par une ou deux semaines de Flipped Classrooms dans son “cours”, plusieurs fois une ou deux semaines tout au long de son cours, hybrider complètement son dispositif… Cela lui permet de s’approprier progressivement les approches décrites ci-dessus.
Bien plus qu’une nouvelle méthode, les « Flipped Classrooms » sont un concept porteur, fédérateur de diverses approches pédagogiques et offrant des pistes progressives de développement professionnel des enseignants et formateurs à l’ère numérique. Les classes inversées sont nées dans l’enseignement secondaire. Elles sont pratiquées aussi au niveau primaire dans certaines classes au Québec. Elles connaissent déjà un beau succès dans l’enseignement supérieur et sont amenées à jouer un rôle important dans la formation continue … il est temps d’expérimenter, de réfléchir et de mutualiser sur cette pratique potentiellement émancipatrice.
3. Bibliographie
Bergman J., Sams A., (2008), Remixing chemistry class: Two Colorado teachers make vodcasts of their lectures to free up class time for hands-on activities. Learning & Leading with Technology, 36(4), pp. 22-27.
Bergmann J., Sams A., (2012), Flip Your Classroom: Reach Every Student in Every Class Every Day. Washington DC: International Society for Technology in Education.
Blog de M@rcel (2011). J’enseigne moins, ils apprennent mieux. http://bit.ly/LPSY1408-Blog
Charlier B., Deschryver N., Peraya D., (2006), Apprendre en présence et à distance. Une définition des dispositifs hybrides. Distances et Savoirs, 4(4), p. 469-496. Voir aussi http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=DIS_044_0469
Fabre M., (2011), Éduquer pour un monde problématique, PUF.
Rencontres Académiques du Numérique, (2012), La pédagogie inversée. Forum@Tice, Reims (France), octobre 2012.http://www.forumatice.fr.
Serres M., (2011). Éduquer au XXIe siècle. Le Monde.- http://bit.ly/poucette.
A propos de l'auteur
Marcel Lebrun est professeur à Université Catholique de Louvain. Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias (IPM).
Références
[1] Bergman J., Sams A., 2008; 2012.
[2] Charlier, B., et alii, 2006.
[3]Traduction par nos soins de : The daily riff (2012). The Flipped Class: Myths versus Realityhttp://www.thedailyriff.com/articles/the-flipped-class-conversation-689.php et How the Flipped Classroom is Radically Transforming Learning http://www.thedailyriff.com/articles/how-the-flipped-classroom-is-radically-transforming-learning-536.php.
[4] Annick Arsenault Carter propose sur sa chaîne YouTube toute une série de vidéos qu’elle utilise dans sa classe à Moncton au Canada. La vidéo « La classe inversée expliquée aux parents » présente sa façon d’inverser la classe aux parents … parfois sceptiques. http://youtu.be/vmtDdxAeNaQ.
[5] Rencontres Académiques du Numérique (2012). La pédagogie inversée. Forum@Tice, Reims (France), octobre 2012.http://www.forumatice.fr.
[6] On trouvera sur mon Blog, une présentation des MOOC et quelques réflexions sur leurs implications pédagogiques.http://bit.ly/MOOC-Lebrun.
[7] Serres M., 2011.
[8] Les “flips” que je propose ne sont pas des alternatives “révolutionnaires” dans le sens d’un remplacement d’un système par un autre. Ils constituent des perspectives d’évolution, d’hybridation, d’émancipation de systèmes de formation en cohérence avec les évolutions sociétales en partie liées au numérique.
[9] Une allusion à un billet de mon Blog (le Blog de M@rcel): Ordre et désordre dans l’enseignement et l’apprentissage avec le numérique. http://bit.ly/désordre-numérique.
[10] Fabre M., 2011.
[11] « Nous vivons dans un monde en mutation rapide et reproduire les savoirs actuels et les compétences utiles ici et maintenant ne va pas suffire pour faire face aux défis du futur. Il y a une génération, un enseignant pouvait pense que ce qu’il enseignait à ses élèves allait les accompagner pendant toute une vie. Aujourd’hui, par la suite des changements rapides économiques, sociaux, nous avons à préparer nos étudiants pour des métiers qui n’existent pas encore, pour des technologies qui ne sont pas encore inventées et pour faire face à des problèmes dont nous n’imaginons même pas la venue. »

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